IDS089 - La veille technologique en ingénierie biomédicale hospitalière
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Auteur
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Bednarski Romain : romain.bednarski@outlook.fr
Citation
A rappeler pour tout usage : Romain BEDNARSKI, “La veille technologique en ingénierie biomédicale hospitalière”, Université de Technologie de Compiègne (France), Master Ingénierie de la Santé, Parcours Technologies Biomédicales et Territoires de Santé (TBTS), https://www.travaux.master.utc.fr/, réf “IDS089”, juin 2021.
Résumé
Une des missions de l’ingénieur biomédical hospitalier est de réaliser une veille technologique de son domaine. Pour la majeure partie d’entre eux, cette tâche est difficile à réaliser car chronophage et peu structurée. Pourtant, une veille peut contribuer à un meilleur fonctionnement de son établissement et valoriser la profession.
L’objectif du projet est de réaliser un état de l’art de la pratique de la veille dans le domaine de l’ingénierie biomédicale hospitalière puis de compiler ces éléments en une méthode applicable à n’importe quel service biomédical. Les résultats d’un sondage diffusé auprès des ingénieurs biomédicaux en fonction permettra d’alimenter la réflexion sur le sujet et aider à la mise en place concrète au service biomédical du centre hospitalier d’Annecy-Genevois.
La méthode de veille décrite, les pistes d’amélioration de la veille se tournent alors vers la coopération entre les ingénieurs biomédicaux, rendu possible notamment par les actions de l’AFIB.
Abstract
One of the missions of the hospital biomedical engineer is to carry out a technological intelligence in his field. For most of them, this task is difficult to accomplish because it is time-consuming and unstructured. However, a monitoring can contribute to a better operation of its hospital and valorise the profession.
The objective of the project is to achieve a state-of-the-art of the practice of technological intelligence in the field of hospital biomedical engineering and then to compile these elements into a method applicable to any biomedical service. The results of a survey shared to the biomedical engineers in office will provide ideas for the subject and help with concrete implementation in the biomedical service of the Annecy-Genevois hospital center.
Once the technological intelligence method is described, the way of improving it then turns to cooperation between biomedical engineers, made possible in particular by the actions of the AFIB.
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Mémoire complet :
La veille technologique en ingénierie biomédicale hospitalière
Remerciements
Je souhaite remercier toutes les personnes ayant permis la bonne réalisation de ce stage, autant sur le plan personnel que professionnel.
Je remercie tout d’abord Albin Lore, responsable du service biomédical et maître de stage, pour la confiance accordée et le partage de son expérience. Je le remercie aussi pour la qualité de ses conseils et sa disponibilité.
Je souhaite remercier Joël Delode, suiveur du stage auprès de l’AFIB, pour son aide et ses réponses. Également, je remercie tous les ingénieurs ayant répondu aux questions et au sondage et particulièrement Jacinthe Lapointe et Clément Thomas, ingénieurs biomédicaux du service, pour leur temps et leur retour d’expérience.
Je remercie l’équipe biomédicale du CHANGE pour leur accueil et leur aide pour la bonne réalisation de mes missions.
Merci à Gilbert Farges pour son soutien et sa bienveillance pendant le déroulement du stage. Je souhaite aussi remercier l’équipe enseignante de l’UTC et particulièrement du master ingénierie de la santé.
Enfin, un grand merci à ma mère, mon père et ma copine pour leur soutien et leur présence au quotidien.
Liste des figures
- Figure 1 Photographie du CHANGE depuis le col des sauts (Source : Auteur)
- Figure 2 Organigramme de la DALI (Source : Auteur)
- Figure 3 Organigramme du biomédical au CHANGE (Source : Auteur)
- Figure 4 Bénéfices de la veille technologique pour le patient (Source : Auteur)
- Figure 5 Répartition des ingénieurs répondant selon le type d'établissement (Source : Auteur)
- Figure 6 Graphique de relation entre la préparation et la satisfaction du travail de veille (Source : Auteur)
- Figure 7 Graphique réponse de cinq questions phares du sondage sur la veille en ingénierie biomédicale (Source : Auteur)
- Figure 8 Schéma synthétique de la méthode de veille générique (Source : Auteur)
- Figure 9 Synthèse de l'étape de management de la veille (Source : Auteur)
- Figure 10 Synthèse de l'étape de traitement des données (Source : Auteur)
- Figure 11 Synthèse de l'adaptation de l'étape d'analyse des données au CHANGE (Source : Auteur)
- Figure 12 Capture d'écran du portail de veille réalisé sur Netvibes (Source :[17])
Liste des abréviations
- AFIB : Association Française des Ingénieurs Biomédicaux
- ANAP : Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux
- CHANGE : Centre Hospitalier Annecy Genevois
- DALI : Direction des Achats, de la Logistique et des Infrastructures
- DS : Direction des Soins
- GBPB : Guide des Bonnes Pratiques Biomédicales
- GBPIB : Guide des Bonnes Pratiques en Ingénierie Biomédicale
- GHT : Groupement Hospitalier de Territoire
- REX : Retour d’expérience
- UTC : Université de Technologie de Compiègne
Introduction
Le domaine de l’ingénierie biomédicale est en constante évolution. Des innovations prometteuses sont développées et proposent des opportunités d’amélioration des pratiques hospitalières actuelles. Les acteurs de l'ingénierie biomédicale hospitalière sont conscients de leur rôle à jouer mais la multiplicité de leurs missions et des projets à mener fait qu’il est complexe d’organiser un travail de veille technologique, réglementaire et autres. Ainsi, les ingénieurs biomédicaux hospitaliers reconnaissent la difficulté de traiter ce sujet en estimant important de proposer des améliorations de leur méthode.
La mise en place d’une veille technologique au sein d’un service d’ingénierie biomédicale demande une coordination des différents acteurs internes et externes au service. L’expérience des ingénieurs biomédicaux, des professionnels de la veille, des parties prenantes et de la documentation actuelle permettent de définir une méthode applicable en ingénierie biomédicale.
Il est nécessaire de dresser un état de l’art des recommandations et travaux précédents sur la veille technologique afin de débuter la réflexion sur le sujet avec l’avis pratique des ingénieurs biomédicaux. Les retours d’expérience des ingénieurs biomédicaux permettent de s’orienter sur les axes à prioriser lors de la mise en place d’une veille dans un service hospitalier. Ainsi une méthode basée sur ces éléments peut être développée puis appliquer au service biomédical du Centre Hospitalier Annecy-Genevois (CHANGE).
En plus de cette proposition et pour faciliter la mise en place, des recommandations en lien avec la méthode sont proposées directement à l’association française des ingénieurs biomédicaux (AFIB). Cette association ayant pour objectif de se donner les moyens de développer la veille du domaine biomédical. Un article qui paraîtra dans la revue IRBM News est en construction et viendra compléter les éléments de ce mémoire.
I L’ingénierie Biomédicale
L’AFIB, Association Française des Ingénieurs Biomédicaux
Avec l’essor du secteur biomédical au sein de l’hôpital et le besoin de valoriser le rôle des ingénieurs biomédicaux, en 1982 un groupe d’ingénieur a choisi de développer une association ayant pour objectif le partage d’information entre les ingénieurs biomédicaux hospitaliers. Il s’agissait aussi d’une façon d’unir la profession et de renforcer l’impact des ingénieurs dans le secteur hospitalier. [1]
Aujourd’hui l’AFIB compte plus de 350 adhérents partageant les mêmes enjeux de développement de la profession, de la réflexion sur les défis hospitaliers et plusieurs actions pour développer le domaine. Également, l’un des grands intérêts de l’association, elle constitue un moyen d’échanges entre les ingénieurs biomédicaux hospitaliers et notamment sur la veille technologique. [2]
L’AFIB organise régulièrement des groupes de travail. Ceux-ci dépêchent des ingénieurs biomédicaux auprès de congrès et événements importants de la profession et viennent alimenter le site internet de rapport sur les sujets d’actualité. L’association travaille également sur les publications de la revue IRBM News. [3]
Le sujet de stage proposé par Albin Lore, en tant qu’ancien correspondant régional AFIB et actuel responsable du service biomédical du CHANGE, auprès de l’AFIB représente la volonté de l’association d’améliorer son organisation interne de la veille du secteur biomédical. Elle souhaite faire évoluer sa façon de créer du contenu et de proposer à ces adhérents la description d’une méthode facilitant sa mise en place en milieu hospitalier.
Le Centre Hospitalier Annecy-Genevois
Figure 1 Photographie du CHANGE depuis le col des sauts (Source : Auteur)
L'origine historique du centre hospitalier remonte à sa création en tant qu’hôpital central d’Annecy en 1758. En 1975 est inauguré le bâtiment central situé proche du centre historique de la ville d’Annecy avec une modernisation importante de la structure, notamment celle du plateau technique. Puis en 2008, l’hôpital déménage vers le site de Metz-Tessy pour mieux développer son activité, site principal actuel du CHANGE. [4]
Le CHRA (Centre Hospitalier de la Région d’Annecy) a débuté un travail de rapprochement avec le Centre Hospitalier de Saint-Julien en Genevois dès 2003 pour fusionner complètement en 2014 après avoir mutualisé les forces médicales et les projets de développement. Aujourd'hui les deux structures disposent d’une direction commune et mènent les projets ensemble pour répondre aux besoins de santé de la région. Le CHANGE est réparti en sept sites distincts [5] :
- Centre hospitalier d’Annecy-Genevois, site d’Annecy
- Centre hospitalier d’Annecy-Genevois, site de Saint-Julien-en-Genevois
- Hôpital de jour de psychiatrie adulte et enfant, site d’Annecy
- Unités de soins de longue durée et soins de suite et de réadaptation, site d’Annecy
- EHPAD Saint-François, site d’Annecy
- EHPAD, site de Saint-Julien-en-Genevois
- USLD, site de Saint-Julien-en-Genevois
À partir des chiffres de 2019, le CHANGE dispose de 886 lits MCO (Médecine, Chirurgie, Obstétrique) et d’une offre de soins complète en neurochirurgie, neurovasculaire, chirurgie cardiaque et vasculaire et diagnostic anténatale. Le plateau technique est composé de trois scanners, deux IRM (1,5 et 3T), deux salles d’imagerie cardio-vasculaires interventionnelles, dix-neuf salles d’opérations. [5]
En tout, le CHANGE emploie l’équivalent de 4200 personnes à temps plein dont plus de 700 praticiens, internes et sages-femmes. [5]
Le GHT Haute-Savoie pays de GEX
Le CHANGE est l’établissement support du GHT (Groupement Hospitalier de Territoire) composé de deux autres établissements : le CH Gabriel Déplante de Rumilly et le CH du Pays de Gex. Ces deux établissements sont centrés sur une offre de soin de proximité ainsi que l’hébergement des personnes âgées.
Le GHT développe des projets territoriaux mais la majorité de l’offre de soin est tournée sur les deux sites du CHANGE que sont Annecy et Saint-Julien en Genevois. [5], [6]
Le nouveau CHANGE
Un projet d’extension sur le site d’Annecy représentant un investissement global de plus de 95,7 millions d’euros dont 16 millions d’équipements biomédicaux comportant trois restructurations [5] :
- Un nouveau centre de cancérologie dans un nouveau bâtiment indépendant avec consultations, hospitalisations et radiothérapie.
- Un centre de chirurgie ambulatoire dans le bâtiment principal.
- Une extension des urgences adultes.
- Plusieurs opérations de déménagement des services.
Figure 2 Organigramme de la DALI (Source : Auteur)
Parmi les dix directions du CHANGE se trouve la DALI (Figure 2)dont dépend hiérarchiquement le service biomédical. Il s’agit de la direction traitant les affaires financières, les questions logistiques, les travaux et autres sujets non-médicaux. La directrice de la DALI est par conséquent la supérieure hiérarchique directe du responsable biomédical.
Afin de mettre en relation ces équipes, des points hebdomadaires sont organisés afin de fluidifier le flux de travail. Chacun ayant des enjeux et des problématiques communes avec les autres.
Pour permettre un travail en mode projet au sein de l’établissement, une coordinatrice relevant de la direction des soins et faisant partie de la direction des opérations intervient au sein de la DALI. Elle revoie l’entièreté des projets avec les différentes parties prenantes pour coordonner les moyens, les actions, les calendriers et les priorités afin de les mener à bien.
Le service biomédical du CHANGE
Le service biomédical est composé d’un ingénieur responsable, deux ingénieurs, dix techniciens dont un chef d’atelier et un gestionnaire de l’accueil et des stocks (Figure 3). Par lien fonctionnel, il est également composé d’une approvisionneuse et d’un acheteur dont le poste est actuellement en recrutement. C’est pourquoi actuellement les dossiers concernant les achats sont traités avec les responsables.
Les missions du service couvrent l’ensemble du secteur biomédical au sein de l’établissement :
- Achats et investissements
- Maintenances
- Consommables
- Matériovigilance
Figure 3 Organigramme du service biomédical au CHANGE (Source : Auteur)
Pour le plan d’équipement 2021, le budget validé par l’ARS représente plus de 2,8 millions d’investissement ou renouvellement sur les équipements. Ce budget n’inclut par l’investissement pour le nouveau CHANGE.
Le service biomédical développe un projet de service porté par son responsable reparti en six axes. Quatre de ces axes ont un impact sur la mise en place d’une veille technologique et donc un intérêt pour celle-ci :
- Redéfinir les responsabilités de chacun : la désignation d’un coordinateur de veille peut s’y intégrer.
- Créer des points d’échanges : Partager au maximum les informations de chacun et donc la collaboration.
- Développement de la communication de service : Améliorer la qualité perçue du travail en ingénierie biomédicale en partageant ces synthèses et comptes-rendus de veille au sein et en dehors de l’établissement.
- Développement de la veille biomédicale : dont bien-sûr la veille technologique.
Une des missions de l’ingénieur biomédical
Avec l’augmentation des technologies de pointe dans le domaine hospitalier, le développement de l’ingénierie biomédicale a répondu à la nécessité de nouvelles compétences techniques spécialisées et donc l’apparition d’ingénieurs spécialisés au sein de l’hôpital. [1], [2]
Le domaine de l'ingénierie biomédicale est un domaine propice aux innovations. Le sujet de la santé reste un incontournable des débats et présente également un enjeu financier important à l’échelle nationale. Le chiffre d’affaires de l’industrie du dispositif médical était de 30 milliards d’euros en 2019 [7]. C’est pourquoi ce domaine est en constante évolution et les ingénieurs biomédicaux hospitaliers se doivent de suivre ces changements, voir les anticiper.
Comme il est décrit dans les différents guides et bonnes pratiques, l’activité de veille fait partie du rôle des ingénieurs biomédicaux hospitaliers [8], [9]. Celui-ci permet de consolider ses compétences professionnelles au sein de son établissement et de proposer une plus-value intéressante auprès de ces collaborateurs :
- Recherche d’informations
- Conseils et orientations
- Apports d'éléments décisionnels
Figure 4 Bénéfices de la veille technologique pour le patient (Source : Auteur)
Les objectifs d’amélioration de la qualité des soins et de la gestion financière d’un établissement de santé font également partie des bénéfices d’une veille technologique du service biomédical (Figure 4). La réalisation du plan d’équipement et des autres plans d’investissements sont améliorées par les apports de ce travail en plus du processus d'acquisition des dispositifs médicaux qui en bénéficie directement.
II Le développement d’une veille technologique
Cette partie décrit le cheminement du projet et ses résultats puis débouche sur la mise en place d’une veille au service biomédical du CHANGE.
Théorie de la veille
La veille est une activité de recherche et synthèse d’information sur un domaine précis. Elle est réalisée par un professionnel averti qui se charge de collecter les données puis de produire une synthèse qui permet, à terme, d’améliorer ses activités et celles de son établissement. La veille est donc une activité visant à se tenir informé pour être capable d’anticiper les changements et se donner les moyens de réagir [10].
La veille n’est pas à confondre avec la réalisation d’une étude sur un sujet. La veille relève d’une surveille sur un domaine avec obligatoirement un travail s’étendant dans la durée. S'il fallait faire l’analogie avec un magazine, un sujet d’étude serait l’achat d’un numéro et la veille l’abonnement annuel au magazine [11].
Les données de veille peuvent provenir de nombreuses sources d’informations, que ce soit une revue, un journal d’actualité, une newsletter ainsi que les congrès. Un format apprécié par les ingénieurs biomédicaux sont les états de l’art qui résument en un document l’état actuel des technologies et des connaissances sur un sujet technique. L’objectif principal de la veille pour eux étant d’être informé au plus tôt des innovations potentielles des projets intéressants pour son établissement et d’en préparer l’éventuelle acquisition.
Sans vouloir cadrer totalement l’activité de veille dans un processus strict, la réflexion sur la veille en ingénierie biomédicale laisse libre les échanges spontanés souvent propice aux idées originales et novatrices [11]. Échanges qu’il faut donc encourager.
La veille technologique seule ne permet pas entièrement l’accès aux innovations biomédicales. C’est la capacité d’analyse des informations réglementaires, le contexte financier et organisationnel de son établissement et sa politique qui apportent un réel gain pour l’établissement. Une innovation doit malgré tout intervenir comme réponse à un besoin ou un projet en santé.
Définitions propres à la veille
Une information : donnée, renseignement, précision qui est capable d’informer sur un sujet [10].
Une information intéressante : Il s’agit d’une information qui attire l’attention et peut mener à une réflexion mais sans forcément être pertinente dans le contexte.
Une information utile : Il est possible de parler d'information pouvant être utilisée. On peut parler d’une information décisionnelle dans le cas de notre sujet [10], [11].
La veille continue : Processus de veille régulier permettant de s’informer des actualités du secteur.
La veille ponctuelle : Processus avancé de veille avec rendu synthétique sur un sujet avec la mise en perspective des éléments de contexte.
Une innovation : nouvel objet ou nouvelle pratique améliorant l’existant [12].
Méthode de réflexion
Le projet a été divisé en trois phases dont la dernière est double :
La phase état de l’art qui consiste en un emmagasinement très court du maximum d’informations sur la veille. Celle-ci permettant de plonger dans ce sujet en préparant les étapes suivantes du projet et de définir en un temps très court des objectifs intermédiaires et de proposer un objectif de rendu pertinent. La phase intermédiaire fût la plus chronophage avec notamment la diffusion du sondage et la disponibilité des acteurs. La dernière phase dite « double » représente deux éléments distincts dont les objectifs diffèrent :
- Le présent mémoire contenant les éléments principaux du projet et l’aboutissement par la mise en place concrète de ces éléments au CHANGE, établissement accueil du stage.
- Un article dans la revue IRBM News reprenant ce travail pour un partage communautaire.
État de l’art de la veille technologique
Référentiels
Les acteurs de l’ingénierie biomédicale ont décrit des bonnes pratiques et des guides pour mener à bien les missions de l’ingénieur biomédical. La mention de la veille technologique et réglementaire y est faite dans la plupart d’entre eux :
- Le Guide des Bonnes Pratiques Biomédicales [8]
- Le Guide des Bonnes Pratiques en Ingénierie Biomédicale [9]
- Les fiches métiers de l’AFIB [13], [14]
- La cartographie des processus de l’ANAP [15]
- D’autres travaux d’étudiant (stage, recherche, thèse professionnelle)
GBPB 2002
C’est dans le premier guide des bonnes pratiques biomédical que l’on retrouve ce lien entre la veille technologique et règlementaire avec l’ingénieur biomédical. La veille technologique y est mentionnée comme en lien avec la procédure d’achat des dispositifs médicaux et permet à l’ingénieur biomédical de se tenir informé des évolutions et innovations existantes sur le marché et de doter au mieux son établissement avec des équipements actuels [8]. Cette notion retrouvée dans le GBPB v2002 décrit la recherche d’information en amont d’un projet et établie pertinemment le principe d’une veille « utile ».
Ce sujet de la veille fût également développé au sein d’un service biomédical suisse en 2009 où l’objectif était de mettre en place une veille technologique essentiellement en fournissant aux ingénieurs des outils de gestion de l’information [16]. Il y est également fait mention de la norme AFNOR XP X 50-053 décrivant un processus de veille théorique [10]. Un pas de plus pour la veille technologique et réglementaire en ingénierie biomédicale.
GBPIB 2011
La mise à jour des bonnes pratiques apporte son lot de nouveauté et d’amélioration qui bénéficient à la veille technologique et réglementaire. En effet, la bonne pratique d’activité connexes : veille technologique et réglementaire, à l’heure actuelle non-décrite en détail, montre bien l’importance de ce rôle [9].
Fiches métiers et cartographie
En 2015, L’AFIB propose aux lecteurs d’IRBM News ses fiches sur le métier d’ingénieur biomédical avec quelques éléments concrets sur la méthode de réalisation de la veille [13], [14] :
- Assurer une veille continue
- Dégager du temps pour la lecture
- Groupe de travail inter-établissement
- Rendu de veille
- (…)
Ces éléments prouvent encore une fois l’implication de l’AFIB pour ce sujet qu’est la veille.
L’ANAP (Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux) propose également sa contribution avec une cartographie des processus en ingénierie biomédicale reprenant des éléments de réalisation de la veille intéressants. Ces processus décrivent notamment l’évaluation à posteriori d’innovations acquises dans le cadre d’un travail de veille [15].
Ces notions et propositions de management de la veille technologique et réglementaire au sein d’un service biomédical sont pertinentes et complémentaires. La compilation de ces données permet de construire de façon très théorique une méthode de veille applicable en ingénierie biomédicale. Cependant, il est important d’y incorporer des éléments faisant leurs preuves en pratique, l’avis d’expert en veille documentaire mais aussi d’acteurs biomédicaux expérimentés.
Appréciation des ingénieurs biomédicaux
Premiers retours d’expérience
Au tout début de la réflexion sur la veille, il était important d’avoir un premier retour d’expérience libre de la part des ingénieurs. L’objectif était de comprendre ce qu’était la veille, en pratique, pour un ingénieur biomédical travaillant à l’hôpital.
La remarque revenant à la majorité des entretiens était le manque de temps à accorder pour la veille, non seulement par la multiplicité des missions de l’ingénieur mais aussi par le manque d’organisation de celle-ci. Les entretiens se sont surtout concentrés autour des ressources d’information. Il s’agit d’une des étapes les plus chronophage d’une veille et encore plus en ingénierie biomédicale où la ressource ne manque pas et est très diverse :
- Congrès
- Revues
- Fournisseurs
- Sites Web
- Retours d’expérience
- Recommandations
- (…)
Ces ressources sont toutes singulières et ne présentent pas d’interconnectivité, il est impossible de faire une recherche par mots-clefs sur l’ensemble des ressources biomédicales. Chaque source demande une méthode et un moyen différent pour l’interroger sur un sujet.
En fonction de l’expérience au sein de son établissement, un ingénieur biomédical aura plus de facilité à échanger avec la direction sur leurs objectifs et leurs choix de politique. C’est également très dépendant de ‘l’organisation interne.
À la fin de ces entretiens, le constat fut que le sourcing, la communication, les données et la relation avec collaborateur de l’hôpital n’étaient pas la source des difficultés pour la réalisation d’une veille technologique. Il s’agissait plutôt d’un manque de structure de la méthode qui peut permettre de mettre en lien toutes ces compétences déjà présentes dans un processus performant montrant des vrais résultats de veille. Pour cela, il fallait prendre du recul sur cette veille pour comprendre les attentes des parties prenantes et les moyens à disposition.
Création du sondage
Pour incorporer dans la théorie l’expérience et la pratique des ingénieurs biomédicaux hospitaliers un sondage a été construit et diffusé. D’abord, une lecture active et une analyse des référentiels cités précédemment a été réalisée aboutissant à un protocole de veille technologique théorique. Celui-ci a beaucoup évolué depuis par l’ajout de la méthode des documentalistes veilleurs du CHANGE et de l’UTC, des remarques et suggestions de nombreux ingénieurs biomédicaux et par l’expérience vécue pendant le stage.
Afin de plonger le sondé dans le sujet et donner un fil directeur pour alimenter sa réflexion, les différentes questions du sondage suivaient à la lettre les étapes théoriques de la veille. Elles étaient réparties en deux grandes parties :
- Préparation et informations : questions sur l’organisation de la veille dans le service et les ressources utilisées.
- Analyse et transmission : ce qu’il en est fait ensuite, les personnes impliquées et le format des rendus (si existant).
L’ingénieur évaluait sa méthode de veille selon plusieurs critères établis et avait l’opportunité de laisser à la fin son avis sur les axes prioritaires et remarques sur le sujet.
Après une version première version testée, le sondage a été diffusé dans son format définitif le 14 avril 2021. Au 21 juin 2021 126 ingénieurs biomédicaux de plusieurs établissements répartis en France et en Suisse ont répondu aux questions. La représentativité des différents profils d’établissements (CHU, Grand CH, CH) est satisfaisante (Figure 5)avec en des avis d’ingénieurs biomédicaux débutants comme expérimentés. Par ailleurs, peu importe la situation des ingénieurs (en CHU ou petit CH) le jugement sur la méthode de veille montre la même notation : 3,5 /8 en moyenne. Sur les autres questions concernant la méthode de réalisation sur la veille, il n'y a pas de corrélation entre la situation de l’ingénieur et son environnement de travail.
Figure 5 Répartition des ingénieurs répondant selon le type d'établissement (Source : Auteur)
Bilan suite au sondage
Comme mentionné précédemment, la veille technologique intéresse beaucoup les ingénieurs biomédicaux et fait partie des sujets principaux au sein de l’AFIB. Or, le sondage diffusé aux ingénieurs biomédicaux révèle une certaine frustration de la part des ingénieurs biomédicaux. Ils estiment que leur travail de veille technologique n’est pas optimal, trop chronophage et qu’il serait temps que cette facette de l’ingénierie biomédicale se professionnalise. Une veille mieux préparée semble amener une meilleure satisfaction du travail réalisé, et donc plus de bénéfices (Figure 4).
Figure 6 Graphique de relation entre la préparation et la satisfaction du travail de veille (Source : Auteur)
Les réponses aux sondages ont été constructives et ont permis de considérer les réalités de terrain et les enjeux communs aux ingénieurs travaillant à l’hôpital. Pendant toute la période de réflexion sur la méthode de réalisation de la veille au service biomédical, les points soulevés, les remarques et les retours d’expérience ont permis d’alimenter en idées ce projet.
Il est important ici de remercier les ingénieurs qui ont pris de leur temps pour y répondre.
Accès aux informations
Selon les avis du sondage, le facteur limitant n’est pas l’absence d’accès à l’information puisque les ingénieurs ont majoritairement accès aux évènements important de la profession (congrès, webinars, groupes régionaux...) ainsi que les revues incontournables (Figure 7).
Le jugement et la prise de recul lors de la réception des informations font partie des compétences des ingénieurs. La source d’information étant parfois partial, il est nécessaire de croiser les données afin d’en tirer les conclusions vraies. C’est d’autant plus vrai que les ingénieurs biomédicaux rencontrent les fournisseurs des équipements.
Une autre source d’information intéressante et très qualitative sur le plan clinique est l’avis du personnel soignant. Actuellement sollicité uniquement dans le cadre d’un projet, un quart des ingénieurs a pourtant pris l’habitude de rencontrer les équipes afin d’échanger sur les éventuelles nouvelles pratiques. Potentiellement, il est pertinent de profiter de la réalisation du plan d’équipement et la rencontre des équipes pour échanger sur ce sujet.
Cependant, il est important de noter que l’accès à l’information ne signifie pas l’analyse et le traitement de celle-ci. Cette remarque reflète bien le travail de veille comme une succession d’actions visant la donnée utile, nécessitant à l’origine une multitude d’information à synthétiser.
Figure 7 Graphique réponse de cinq questions phares du sondage sur la veille en ingénierie biomédicale (Source : Auteur)
Point fort : Passation d’information
Sans parler ici d’un compte rendu de veille, l’information capté par les acteurs de l’ingénierie biomédicale ne semble pas rester muette. Celle-ci a plutôt tendance à rebondir de façon informelle aux parties prenantes. 70% de l’information sur un nouvel acte potentiel à l’établissement se retrouve être transmis à la cellule-médico-économique, exemple parmi les réponses issues du sondage.
Variabilité d’organisation des services biomédicaux
L’objectif n’est pas uniquement centré sur une application au CHANGE. Pour toucher le plus grand nombre il est nécessaire de prendre en considération les différences entre services biomédicaux. Ils sont tous de taille et d’organisation différentes selon l’établissement dont ils font partie. Il faut proposer des pistes d’amélioration applicables autant dans les gros établissements que dans les plus modestes, en profitant notamment de l’organisation des GHT.
Les résultats du sondage montrent l’intérêt d’une mutualisation des compétences et du temps humains. Pour 30% des ingénieurs sondés, le travail de veille ne peut être répartis entre les ingénieurs en poste d’un même établissement, puisque seul sur site. Il est donc intéressant d’organiser à l’échelle régionale des points d’échange entre établissement pour initier une démarche de collaboration sur le sujet de la veille technologique.
III Développement de la méthode de veille en ingénierie biomédicale
La compilation des données bibliographiques et les résultats du sondage permettent d’établir une méthode de veille en ingénierie biomédicale, faire le lien avec les éléments gravitant autour peut la rendre performante.
Contexte du secteur hospitalier
Les organismes de santé jouent également un rôle important dans l’orientation de l’offre des soins territoriaux. Connaître le contexte de l’établissement vis-à-vis de l’ARS va permettre de cibler les sujets importants, ces mêmes sujets que devra traiter la veille.
Les décisions prisent par les instances administratives hospitalières ont un impact direct sur les activités du service biomédical. Ils établissent les projets majeurs qui animeront la dynamique de l’établissement pour plusieurs années et donc les projets menés par les acteurs biomédicaux.
La veille doit tenir compte des choix de politique et des moyens disponibles pour son établissement, sans quoi son ciblage sera mauvais avec des résultats inexploitables. Pouvoir se tenir au courant des sujets de discussion et comprendre l’environnement où le service biomédical évolue est essentiel.
Parties prenantes
Le service biomédical se trouve à l’interface entre les services de soins (chef de pôle, cadre, soignants …) et la direction générale. Les actions menées par le service biomédical répondent aux objectifs de ces deux entités avec comme objectif commun d’améliorer la prise en charge du patient dans son établissement hospitalier.
Chacune des parties prenantes ont des attentes, exprimées ou non. Ils ont besoin des acteurs biomédicaux pour répondre à leurs questions de façon objective et éclairée. La prise en compte de leur méthode de travail, pouvant se faire via une veille organisationnelle, est importante pour augmenter la pertinence des rendus produits par une veille biomédicale.
La méthode
Par soucis de clarté, la méthode de veille décrite ci-après est divisée en trois parties (Figure 8). Chaque partie est réalisée par un acteur interne du service biomédical différent et dépendent des résultats précédents pour être menée à bien. Cette méthode peut être assimilée à une bonne pratique de veille technologique en ingénierie biomédicale hospitalière, c’est pourquoi sa description reste générique afin de s’adapter au plus grand nombre. Dans le chapitre suivant du mémoire, cette méthode appliquée au service biomédical du CHANGE donnera une description plus concrète de la mise en place de cette veille.
Figure 8 Schéma synthétique de la méthode théorique de veille par le service biomédical (Source : Auteur)
Pilotage de la veille
Stratégie de veille technologique
Au sein de l’équipe biomédicale, un coordinateur de veille est désigné afin d’organiser et piloter la veille dans sa globalité. Il sera la personne référente en veille afin de conserver une structure de travail performante dans l’établissement et au-delà.
Afin de définir une stratégie, il réunit les acteurs directs de la veille au sein de son service avec une équipe de direction (dont la direction médicale) au courant du contexte et de la politique de l’établissement. Ils définissent par concertation les sujets à traiter par ordre de priorité et selon les dates de fins de projets définies. La réflexion se fait également en association avec les différents plans d’investissement, de maintenance et de renouvellement. Cet échange doit être répété dans le temps pour synchroniser ces éléments de contexte avec le travail réalisé en veille. La stratégie doit également bénéficier du travail de recensement des besoins des services de soins pour y implémenter des sujets.
Pour augmenter la réactivité d’adaptation de la veille, il est nécessaire qu’un canal direct puisse exister entre les équipes de direction et médicales permettent d’ajouter un sujet important à cette stratégie. Également, le coordinateur de veille se doit de rester vigilant sur une éventuelle évolution notable de la situation de l’établissement ou des parties prenantes externes.
Le travail de veille étant potentiellement lourd à réaliser, il est important de le repartir entre les différents acteurs du service biomédical. Cela ne signifie pas un cloisonnement mais une responsabilisation du sujet pris en charge par une personne ou un groupe. Le coordinateur de ce travail est en charge de suivre l’avancer de la veille et de relancer régulièrement ses collaborateurs.
Management des données
Le coordinateur de veille fait le bilan des ressources disponibles. Il sélectionne les ressources les plus pertinentes et de bonne qualité qui seront nécessaires au suivi des sujets définis précédemment et également du domaine biomédical en général. Afin de faciliter l’accès à ces ressources, il met en place des flux d’entrée via les outils à disposition.
Le choix des ressources est l’un des piliers importants de la veille. Il existe de nombreuses ressources qu’il est important de juger selon l’originalité du contenu, sa vraisemblance et les sources cités [16]. Il est d’ailleurs primordial de traiter une ressource fiable, originale et documentée comme une pépite [11].
Dans un but de coordination des acteurs de la veille, il met également en place une base documentaire informatique selon les moyens à disposition afin de réunir au même endroit les données bruts classées selon le domaine, le sujet et la nature de la ressource.
Après cette première étape préliminaire, mise à jour régulièrement, l’équipe biomédicale disposera d’un programme de veille définissant les sujets importants, les ressources disponibles et une base de données de travail à disposition.
Figure 9 Synthèse de l'étape de pilotagede la veille (Source : Auteur)
Veille et synthèse
Cette étape est au cœur de cette méthode veille. Les compétences pour mener à bien cette action sont déjà présentes dans les services biomédicaux.
A partir des éléments précédents, le chargé ou le groupe de travail de veille sur un sujet commence le travail de recherche d’information à partir des ressources disponibles. Il peut ainsi alimenter la base de données mentionné précédemment par les documents intéressants mais également en y incorporant sa prise de note.
Alors même que le travail de collecte est en cours, il est nécessaire d’anticiper l’étape suivante de synthèse de ces informations intéressantes et pertinentes en informations utiles. La rédaction d’une note de synthèse rapide devient essentielle pour créer ce lien avec le contexte de l’établissement et ces enjeux. C'est un processus d’analyse de ces données permettant une double finalité :
- Prendre conscience d’une technologie, une pratique ou une innovation pouvant avoir un impact bénéfique sur les activités de son établissement de santé tout en se projetant sur la faisabilité d’un tel projet.
- Mettre en évidence les informations manquantes pour rechercher d’autres données.
Il est également important de planifier ce travail de veille en segmentant les créneaux de recherche pour les répartir dans le temps et en augmenter le résultat.
Après un ou plusieurs cycles de collecte et d’analyse des informations, un compte rendu faisant le lien entre les informations utiles sur une potentielle innovation, une étude de faisabilité primaire, un lien avec le contexte et la politique de l’établissement et le potentiel gain au global permettra de faire le lien avec les parties prenantes. C’est à la fin de cette étape que les opportunités d’innovations concrètes apparaissent, avec l'apparition des données utilisables.
Figure 10 Synthèse de l'étape de traitement des données (Source : Auteur)
Diffusion
Un compte rendu de veille technologique sur un sujet d’actualité apporte aux instances décisionnelles des éléments essentiels d’éclaircissement. L’acteur biomédical devient alors actif dans le processus décisionnel de son établissement en proposant un véritable rôle de consultant technologique, impliqué dans les enjeux de santé, financiers, de sécurité (…). Il s’agit de l’étape finale de la veille où l’information qui en ressort est utilisée.
La mesure de la performance de la méthode veille peut être réalisée par comparaison entre les moyens mis en œuvre, les ressources utilisées et le temps consacré face au caractère utilisé du résultat de veille.
Il est important également d’entretenir le partage d’information informel. Il est courant pour l’ingénieur responsable d’un projet d’échanger avec le personnel soignant sur des sujets techniques. L’apport d’éléments issus de la veille peut permettre un retour d’information pertinent et l’émergence d’une nouvelle donnée.
La diffusion du résultat de la veille peut elle aussi être planifiée selon un calendrier prédéfini en adéquation avec le flux des décisions ou selon un modèle plus simple sans contrainte temporelle. La méthode de diffusion doit aussi être adéquate pour que la réception de ces informations s’inscrive naturellement dans la transmission de l’information au sein de l’établissement.
La cohésion entre les acteurs de l'ingénierie biomédicale est une force à entretenir. Le travail d’un service isolé peut bénéficier très largement aux autres services. L’objectif est donc de diffuser un retour d’expérience basé sur le travail de veille en amont avec en plus un témoignage complet sur une innovation acquise.
Les bénéfices de cette collaboration à plus grande échelle serait une meilleure couverture des actualités biomédicales et innovations nouvelles avec un gain de temps considérable pour les individus. Chacun bénéficiant du travail de recherche des autres pour venir le compléter par son expérience et ses connaissances.
IV Mise en pratique au CHANGE
Une mise en pratique des notions précédentes de méthode de veille technologique dans un service biomédical demande d’abord l’approbation de ces acteurs. Il s’agit de l’addition d’un rôle supplémentaire au sein de son établissement qui demande un investissement personnel. Il est important que chacun puisse adhérer à cette idée et être convaincu de l’intérêt de ce projet.
Également, les parties prenantes que sont la direction (en particulier les acteurs de la DALI et la coordinatrice DALI/DS) et les équipes soignantes ont leur rôle à jouer. L’expression de leurs besoins et de leurs attentes demande un travail supplémentaire mais pourtant indispensable. La performance de la veille mise en place dépend beaucoup de la qualité perçue des bénéficiaires [10].
Adaptation de la méthode au CHANGE
La présentation de l’aspect théorique ci-dessus à l’ensemble de l’équipe d’ingénieur a montré les axes prioritaires à explorer afin de débuter cette mise en place. Il ne s’agit pas de mettre en place directement tous les aspects de la méthode de veille mais bien de la fragmenter en implémentant les processus progressivement.
L’étape préliminaire de préparation est perçue comme pertinente et indispensable. Ce rôle m’est confié dans un premier temps puis sera transféré à l’un des ingénieurs à mon départ, ingénieur devenant donc pilote de la veille.
Les débats se sont concentrés autour de l’étape au centre de la méthode de veille, celle de la recherche et l’analyse des données. L’idée ici et de mettre en place deux circuits de travail de veille se rapprochant de la théorie basique du processus de veille mais en la vulgarisant selon deux termes reflétant la quantité de travail nécessaire (Figure 11):
- La veille dite “légère” correspondant en théorie à la veille continue consiste en une recherche récurrente et peu chronophage avec une analyse basique permettant de gagner en informations avec un faible impact sur le temps humain.
- La veille dite “lourde” correspondant en théorie à la veille ponctuelle se trouve en aval de la veille précédente et est déclenché lorsqu’un sujet vient en résonnance avec le contexte de l’établissement.
Figure 11 Synthèse de l'adaptation de l'étape d'analyse des données au CHANGE (Source : Auteur)
Sans parler de simplification de la méthode, l’adaptation de la structure des processus permet d’implémenter progressivement un cadre adapté au travail de veille. Le coordinateur peut donc motiver les acteurs et relancer les sujets si besoin.
L’objectif était ici d’accompagner le changement. La contrainte d’une mise en place de la veille est fragmentée selon les priorités choisies par les acteurs ainsi elle est facilitée. Il sera envisageable ensuite de poursuivre la démarche en y incorporant des éléments au fil de l’eau.
Actions mise en place
La stratégie
L’élaboration de la stratégie de veille, pourtant considérée incontournable par 88% des ingénieurs n’est que peu réalisé en pratique : 10% parfaitement et 30% Imparfaitement. Pour débuter la veille biomédicale au CHANGE, les ingénieurs ont d’abord échangé sur les sujets potentiellement à suivre pendant l’année. La réflexion a été faite sur les données du plan d’équipement mais surtout du plan pluriannuel d’investissement.
Quelques exemples des sujets pertinents à suivre :
- Neurologie et Cardiologie (intérêt pour le CHANGE étant évolué sur ce plan)
- Soins critiques et réanimation (contexte actuel de la COVID19)
- Flux patient (ouverture prochaine de nouveau bâtiment)
- Imagerie interventionnelle (renouvellement prochain)
Dans un second temps, un entretien rapide avec la directrice de la DALI et la coordinatrice projets (DALI/DS) a été requis pour discuter de la priorisation des sujets importants et également pour obtenir leurs attentes en terme de veille technologique biomédicale. Cependant, les projets du nouveau CHANGE ont retardé cette rencontre.
L’objectif pour le service biomédical est d’être informé des projets médicaux en cours d’étude par les autres cellules de l’hôpital et des orientations futures de la direction générale. Également, il est pertinent d’établir un lien de communication direct avec le coordinateur de veille pour intégrer dans la stratégie des sujets nouveaux et urgents.
Préparation et développement des outils
Ressources d’information
En croisant les données issues du sondage et les abonnements disponibles dans l’établissement, voici la liste des revues ou journaux qui sont inclus dans le travail de veille technologique :
- IRBM News
- Techniques Hospitalières
- Le Manipulateur d’imagerie médicale et radiothérapie
- Docteur Imago
- Journal de Chirurgie Viscérale
- Anesthésie & Réanimation
- Revue francophone des laboratoires
- Revue de biologie médicale
- Option Bio
- Revue médicale suisse
- Le p'tit Biomed
- D'autres sites internet spécialisé imagerie et autres dispositifs
Le centre de documentation du CHANGE est un atout pour le service biomédical. Il s’agit d’une structure documentaire à disposition de l’IFSI mais également de tous les employés du centre hospitalier. Deux documentalistes entretiennent une base documentaire et propose des services tels que la veille sur des sujets spécifiques.
Après plusieurs échanges il était possible de faire parvenir par mail les sommaires de nombreuses revues potentiellement intéressantes pour la veille technologique. Il sera également envoyé au service biomédical certaines actualités du domaine biomédical déjà suivies par le centre documentation.
Au sein du service, l’accès aux informations et l’utilisation de celle-ci était informel mais existant. Les ingénieurs en poste ont mis en place intuitivement des outils pour se tenir informés de certaines actualités du secteur par le biais de newsletters, abonnements aux revues ou réseaux professionnels. Le but ici pour un coordinateur de veille est de formaliser les outils en place comme des outils à destination du service. Ainsi, les ingénieurs mettront en commun les informations leur parvenant.
L’agrégation des flux d’information est un véritable gain de temps pour le veilleur. Il existe plusieurs outils gratuits ou payants capable de réunir au même endroit différents flux d’information sélectionnés au préalable (Wakelet, Inoreader, FeedSpot …). L’outil choisit ici est le site internet Netvibes (Figure 12), simple et gratuit [17]. Il permet d’y agréger des flux RSS mais également d’y ajouter une fenêtre WEB d’un site internet choisi, tout cela réparti en plusieurs onglets dont voici un exemple sur la figure 12.
Il était nécessaire de développer la liste des ressources disponibles aux acteurs du service pour dans un second temps développer une base de données adaptée à chacun, facilitant l’accès et le partage des données.
Figure 10 Capture d'écran du portail de veille réalisé sur Netvibes (Source :[17])
La mise en place de ces outils étant récente dans le flux de travail des ingénieurs du service, il n’a pas encore été mesuré d’indicateurs de temps de recherche. Ce retour sera effectué à postériori par le coordinateur de veille du service.
Gestion de l’information
Pour introduire la pratique actuelle de la veille dans le service, il était important de conserver les outils déjà bien en place dans la pratique des ingénieurs. L’étape suivante consiste donc à reclarifier la base documentaire existante sur le dossier partagé informatique pour mettre en place rapidement une collaboration dans le service. D’abord il faut établir une logique d’arborescence qui dépend de l’organisation des projets gérée par le service mis également selon l’organisation de l’établissement. Pour le CHANGE, la meilleure solution est de se caler sur les domaines techniques (imagerie, laboratoire, radiothérapie, bloc opératoire, …) puis d’y détailler ensuite le type d’installation ou d’équipement. Il est possible d'ajouter un dossier projet en cours afin d’y regrouper les recherches en cours.
Grâce à la présence d’un espace de stockage dédié au biomédical, les ingénieurs avaient spontanément créé une base de donnée simple regroupée par sujet ou projet. Elle y recense des échanges de mail, des documents PDF et prises de note. Cette base est reprise dans le répertoire commun à tout le service (y compris aux techniciens) et est organisée ainsi :
- Thèmes en correspondance avec le site internet de l’AFIB
- Domaines techniques
- Dossiers projets facultatifs
- Domaines techniques
Dans chacun des dossiers, la nomenclature des documents présents permet la distinction et le tri des informations (fond et forme) pour faciliter la recherche de fichier. Il est nécessaire que les documents soient nommés par année, type et titre. La codification est encore à déterminer au sein du service.
Analyse et rendu de veille
L’analyse des données cumulées sur un sujet est déclenchée lorsqu’un lien concret avec les sujets établis ou le contexte de l’établissement le requiert. Dans ce cas, le veilleur peut incorporer des notes ou les rédiger dans un document texte directement sur la base de données. Ici, c’est bien une plus-value qui est créée. Cette donnée sera capitalisée et pourra être utilisée par une autre personne du service dans le cadre d’un projet ou d’une recherche.
C’est cette étape ultime de la veille que les ingénieurs estiment réaliser le moins : celle de la rédaction de la synthèse voir du rapport de veille. En effet, seul 13 % des ingénieurs biomédicaux déclarent produisent un rendu de leur travail de veille dont très peu sous une forme formalisée dans l’établissement (exemple : fiche projet, note de synthèse, emplacement décrit dans un processus qualité).
C’est pourquoi pour faciliter ce travail, il a été proposé de créer une fiche formalisée reprenant plusieurs éléments importants à inclure pour que ces informations soient pertinentes. L’idée est qu’après une lecture et analyse, remplir cette fiche ne soit pas chronophage pour le veilleur. Le format et le contenu de cette fiche est encore à établir avec les parties prenantes.
V Expériences tirées de ce stage
Qu’est-ce qu’un ingénieur biomédical hospitalier ?
Le service biomédical occupe une place bien particulière au sein d’un établissement de santé. Ses actions touchent à l’organisation de l’investissement financier jusqu’à la sécurité d’un dispositif en service de soin. L’envie de progresser fait que l’ingénieur veuille veiller à la bonne réalisation de son rôle tout en élargissant ses compétences jusqu’à conseiller ses collaborateurs dans leurs choix.
Les activités de l’ingénieur biomédical hospitalier demandent beaucoup d’organisation et de planification. Il est responsable de nombreux projets et son expertise est essentiel pour les mener à bien. Autant sur l’aspect financier, sur la logistique, sur l’implantation et l’exploitation. Il ne faut pas oublier qu’il est le garant de la sécurité de ces appareils. Cette notion de priorisation des tâches, tout comme celle de l’acquisition des dispositifs médicaux, est donc primordiale.
Les interlocuteurs du service biomédical apportent également beaucoup à l’intérêt du métier. Les problématiques de chacun sont toutes différentes mais aboutissent inévitablement sur le même objectif de la qualité et l’offre de soin. C’est pourquoi il est important d’être à l’écoute et de prendre en considération chaque échange.
L’ingénieur biomédical est donc un coordinateur et meneur de projet en même temps qu’un expert des dispositifs médicaux. Son rôle est de plus en plus capital à l’hôpital avec un domaine de plus en plus technologique.
Mission annexe : gestion de stock
Ce passage au service biomédical du CHANGE a été une opportunité d’appliquer certains des enseignements de l’UTC. Une problématique de gestion de stock au magasin biomédical était à résoudre, l’objectif étant de sécuriser l’approvisionnement des produits et consommables du magasin tout en faisant face au manque d’espace et de moyen informatique.
Après un travail acharné sur plusieurs bases de données et plusieurs échanges avec les acteurs de la logistique à l’hôpital, il a été possible de coordonner les forces humaines dans une même direction. Ce rôle de manageur du changement était instructif.
Pour le service biomédical, la gestion de stock par KANBAN a été choisi pour son côté visuel et attractif. Les calculs de seuil de commande et de stock de sécurité sont encore en phase de test mais promettent une clarification et un gain pour le service intéressant. Sans les enseignements informatiques reçues à l’UTC, ces solutions m’auraient été inconnues.
Conclusion
Dans un établissement de santé, l'ingénierie biomédicale regroupe l’expertise technologique et règlementaire des appareils et dispositifs médicaux. Ces acteurs jouent donc un rôle important dans la qualité des soins promulgués aux patients et se doivent d’être au courant des innovations et avancées du domaine.
C’est pourquoi la veille technologique en ingénierie biomédicale est un sujet au cœur des discussions entre ingénieurs et c’est là son plus grand atout. Avec cette proposition, un service peut envisager la mise en place d’une veille technologique, réglementaire ou autre à partir des éléments décrit et témoignages de ce mémoire. Il appartient donc à chacun des coordinateurs de veille de prioriser ce travail en fonction du contexte et des moyens de son établissement.
La communauté des ingénieurs biomédicaux hospitaliers est la clé pour organiser une veille biomédicale à grande échelle qui serait au service de tous. Les ressources, les rencontres et la motivation existent déjà, il ne manque plus que l’outil qui viendra mettre en commun ces compétences. Chacun des services biomédicaux se doit d’organiser sa veille autour des sujets et projets qui animent son établissement, mais la coopération pourra permettre d’aller plus loin (GHT, groupes régionaux, AFIB, …).