IDS103 - Le rôle de l'ingénieur d'application diagnostic dans la mise en place d'un laboratoire du sommeil
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Auteure
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- MACEDO Carolina : eng.carolinamcd@gmail.com
Citation
A rappeler pour tout usage : M. C. MACEDO DE ARAUJO, « Le rôle de l'ingénieur d'application diagnostic dans la mise en place d'un laboratoire du sommeil », Université de Technologie de Compiègne (France), Master Ingénierie de la Santé, Parcours Technologies Biomédicales et Territoires de Santé (TBTS) et Dispositifs Médicaux et Affaires Réglementaires (DMAR), Rapport de Stage, réf n° IDS103, juillet 2021, https://travaux.master.utc.fr/formations-master/ingenierie-de-la-sante/ids103/
Résumé
Le sommeil est la période la plus importante pour le corps. Toutefois, une partie de la population est concernée par la réduction du temps de sommeil et la somnolence diurne excessive. Des perturbations du sommeil au cours de la nuit, entrainant des risques pour la santé du patient et sa qualité de vie. La cause la plus connue est la présence des troubles respiratoires du sommeil, maladie très actuelle qui touche environ 1 adulte sur 5 dans la population française. Afin d’étudier les troubles du sommeil et ses conséquences sur la population, des structures spécialisées en médecine du sommeil ont été mises en place. Ces laboratoires du sommeil fournissent un moyen de diagnostic pour ces maladies à travers l’utilisation des appareils de polysomnographie et polygraphie. C’est l’ingénieur d’application diagnostic le responsable pour l’installation et de la mise en fonctionnement de ces équipements. Au cours de ce stage de fin d’études, les missions réalisées en tant qu’ingénieur d’application diagnostic m’ont permises de comprendre le rôle très important de ce métier et son implication dans la prise en charge des maladies respiratoires du sommeil.
Abstract
Sleep is the most important time for the body. However, part of the population is affected by reduction of sleep duration and excessive daytime sleepiness. Sleep disorders during the night, entails risks for the patient's health and his quality of life. The best-known cause is the presence of Sleep-related breathing disorders, a very current illness that affects around 1 in 5 adults in the French population. In order to study sleep disorders and its consequences, centers specialized in sleep medicine have been set up. These sleep laboratories provide a means of diagnosis for these diseases through the use of polysomnography and polygraphy devices. The field customer engineer in sleep diagnostic is responsible for installing and setting this equipment. During this internship, the missions carried out as a field customer engineer allowed me to understand the very important role of this profession and its implication in the management of sleep-related breathing disorders.
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Mémoire complet :
Le rôle de l'ingénieur d'application diagnostic dans la mise en place d'un laboratoire du sommeil
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier mon tuteur de stage, M. Raphaël Cottancin, pour m’avoir accueillie au sein de son équipe. Je le remercie pour tous les enseignements, la confiance et les moments qu’il m’a permis d’avoir en tant que stagiaire dans son équipe. J’ai développé fortement mes compétences au cours de ce stage et cela grâce à l’opportunité qu’il m’a donnée.
En particulier, je tiens à remercier Mme. Estelle Lemaire, cheffe produit diagnostic, pour avoir rendu cette expérience professionnelle très enrichissante. Toutes ses explications et formations m’ont permis de monter en compétence dans le domaine. Les missions qu’elle m’a confiées et son professionnalisme à me guider lors de mon stage ont été très importants. Aussi par sa compréhension, disponibilité et obligeance au long de mon temps chez ResMed et par ses conseils et explications de la vie professionnelle.
Également, je remercie vivement l’ensemble de l’équipe d’ingénieurs d’application - Ronan Clément, Jonathan Devillers, Wassima Abiza et Myrtille Agbande – pour les installations ensemble, les réponses à mes questions et le partage d’expériences. Je les remercie de m’avoir si bien intégrée dans leur équipe.
A toute l’équipe ventes sud-est, je les remercie pour la gentillesse, l’ambiance toujours accueillante lors des réunions zoom, la bienveillance à mon égard, la générosité et le partage de bons moments. Ils m’ont donné l’espace et le temps pour prouver mes capacités et me sentir à l’aise avec eux. Finalement, j’aimerais remercier toutes les personnes chez ResMed avec qui j’ai eu l’occasion de travailler ou d’échanger. A Mme Irène Vanicat, sans qui ce stage n’aurait jamais pu être possible, je la remercie d’avoir transféré ma candidature. Ainsi que à Mme. Anne Le Goff d’avoir accepté d’être ma responsable UTC.
Abréviations
- AASM – American Academy of Sleep Medicine
- EEG - Electroencéphalogramme
- IAH – Index d’apnées-hypopnées
- N1 – Stade de sommeil de transition
- N2 – Stade de sommeil lent léger
- N3 – Stade de sommeil lent profond
- PG - Polygraphie
- PPC – Pression Positive Continue
- PSG - Polysomnographie
- REM – Rapid eye movement – sommeil paradoxal
- SAOS – Syndrome d’apnées obstructives du sommeil
- SACS – Syndrome d’apnées centrales du sommeil TRS – Troubles respiratoires du sommeil
Introduction
Selon les données de 2017, les français ont perdu 1h30 de sommeil par rapport à il y a 50 ans. Pour la population entre 25 et 45 ans : 45% indique qu’elle dort moins que ce dont elle aurait besoin et 13% affirme que dormir est une perte de temps. Pourtant, la qualité et la quantité des heures de sommeil ont un impact direct pour la prédisposition des maladies cardiovasculaires, neurologiques et respiratoires. Un mauvais sommeil peut aussi augmenter le risque de développer : le rhume, le diabète type 2, les cancers, l’obésité, etc [1]–[7].
Le sommeil est la période la plus importante pour le corps. Il fournit des conditions d’équilibre afin d’exercer des fonctions restauratrices sur les systèmes corporels. Cela est fait d’un point de vue physiologique, mais aussi psychologique. Très important au cours de toutes les phases de la vie, le sommeil est essentiel pour la croissance, la maturation cérébrale, le développement et la préservation de nos capacités cognitives [7]–[9].
Normalement, il est partagé en trois stades : lent, profond et paradoxal. Le stade lent comporte la phase de transition (N1) entre l’éveil et l’endormissement léger (ou sommeil léger, N2). Il est suivi d’un stade de sommeil profond (N3) qui dure quelques dizaines de minutes. Suite à cela, le stade de sommeil paradoxal ou sommeil des rêves (REM, acronyme pour Rapid Eye Mouvement) entre en place. Le REM est une période où l’activité cérébrale est très proche de celle de l’éveil, mais le corps présente une atonie musculaire presque totale. C’est au cours du sommeil paradoxal que la restauration cérébrale, la consolidation mnésique, l’organisation de l’information et l’apprentissage ont lieu [7].
Pourtant, la restriction de sommeil sévère concerne entre 25 et 30% de la population entre 18 et 25 ans et entre 15 et 18% pour les personnes entre 25 et 54 ans. La somnolence diurne excessive, qui affecte environ 2,5 millions de personnes, est quant à elle, devenue une des causes majeures des morbi-mortalités routières. Les perturbations au cours du sommeil et la réduction du temps de sommeil sont souvent liées à la présence des troubles du sommeil. Le nombre de français atteints de troubles du sommeil ne cesse d’augmenter et finit par devenir un vrai problème de santé publique [10], [11].
Afin d’étudier cette problématique et ses conséquences sur la population, des structures spécialisées en médecine du sommeil ont été mises en place. Elles utilisent des dispositifs médicaux très techniques pour diagnostiquer les possibles maladies du sommeil dont le patient est atteint. Ces dispositifs sont fabriqués et/ou distribués par des entreprises du marché de la santé comme par exemple ResMed. Celle-ci fournit une gamme complète de dispositifs pour le traitement des Syndromes d’apnées du sommeil et possède une équipe de spécialistes pour l’accompagnement du client.
Un des spécialistes du domaine est l’ingénieur d’application diagnostic, il a des compétences très techniques ayant pour but de réaliser l’installation, la mise en fonctionnement de ces appareils et la formation des utilisateurs. Ce professionnel est responsable pour accompagner le médecin dans l’utilisation des dispositifs et logiciel pouvant diagnostiquer les troubles respiratoires du sommeil.
De cette façon, ce rapport présentera l’importance du métier de l’ingénieur d’application pour la mise en place des laboratoires du sommeil. Ceci sera fait en ayant comme fil conducteur : une présentation de l’organisme d’accueil où ce stage a été réalisé, des maladies respiratoires du sommeil et ses impacts, le rôle et l’importance de l’ingénieur d’application diagnostic à travers des missions réalisées et les apports de ce stage.
Chapitre 1 : ResMed et son environnement
En 1981 un médecin australien, le Dr. Colin Sullivan, a développé avec ses collègues la première machine de pression positive continue (PPC). Ce dispositif a été le premier employé pour le traitement non invasif du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). Et c’est grâce à cette invention du Dr. Sullivan que l’histoire de ResMed commence [12]–[14].
Fondée en 1989 en Australie par le Dr. Peter Farrell, ResMed (contraction de « Respiratory Medicine ») est actuellement une entreprise multinationale présente dans plus de 140 pays. Le siège social est basé à San Diego (Californie, Etats-Unis) et ResMed Incorporated possède un chiffre d’affaires d’environ 3,1 billions de dollars (2020). Son antenne en France est située à Saint-Priest et sous la direction de Lucile Blaise. Elle regroupe la majorité des équipes chargées pour l’Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique [15].
Son histoire a commencé quand le Dr. Farrell a acheté de Baxter Healthcare la technologie de traitement de l’apnée du sommeil développée par Colin Sullivan. Son but était de présenter au monde le traitement de cette maladie par l’utilisation des machines de pression positive continue. Peter Farrell a ainsi commencé la commercialisation des prototypes des machines de PPC (Figure 1). Cela a été capital pour permettre l’évolution de ces dispositifs médicaux [16].
Figure 1 : Sullivan Nasal CPAP System (R2), une des premières machines de pression positive continue produites [16].
Des années plus tard, avec la croissance de l’entreprise, ResMed n’a pas que développé une gamme de machines de PPC mais aussi des interfaces. Les masques sont aussi importants que les machines, étant donné que si le patient n’a pas une interface confortable il arrêtera probablement son traitement. Aujourd’hui, la gamme des produits est beaucoup plus complète et c’est Michael Farrell, fils du Dr. Peter Farrell, le responsable pour continuer à guider cette histoire. Grâce à plus de 30 ans d’expérience et à sa renommée dans le domaine des dispositifs médicaux et de la médecine du sommeil, ResMed s’est affirmée comme le leader de ce marché.
La société ResMed fabrique et distribue des dispositifs médicaux pour la prise en charge complète des patients atteints des troubles respiratoires du sommeil. Pour le dépistage ResMed a dans sa gamme l’appareil ApneaLink Air qui est beaucoup utilisé en médecine du travail. La gamme diagnostic est composée du Nox T3s pour la polygraphie et du Nox A1 pour la polysomnographie, tous les deux fabriqués par Nox Medical (Islande) et distribués par ResMed France. Pour le traitement des troubles respiratoires du sommeil la gamme est composée par des orthèses d’avancé mandibulaire comme Narval CC, des machines de PPC comme par exemple l’AirSense 10 AutoSet, des masques comme l’AirFit P30i et aussi des appareils de ventilation comme l’Astral 150 (Figure 2).
Figure 2 : Exemples de produits ResMed pour les troubles respiratoires du sommeil (Source images : ResMed France [17]).
De plus, ResMed fournit aussi des solutions médicales pour les soins connectés. L’analyse de l’observance du patient à son traitement peut être faite avec le logiciel ResScan. Cela est possible grâce aux données recueillies via carte SD. Avec la plateforme AirView, il est possible de réaliser la gestion des traitements des patients par télé-suivi grâce aux données télétransmises. Pour les patients, ResMed propose l’application mobile MyAir qui permet d’accéder aux données de la PPC et ainsi de connaître l’efficacité du traitement nuit après nuit.
La société ResMed ne vend pas que des dispositifs mais aussi des services. Le client peut de ce fait compter sur des spécialistes pour les domaines sur tout le territoire français. Ils sont des chefs de produits, ingénieurs d’application diagnostic, spécialistes thérapie sommeil, spécialistes thérapie ventilation et attachés technico-commerciaux. Ces spécialistes sont complétés par une équipe de support technique disponible pour aider les clients.
ResMed contribue également à la réalisation de différentes études dans le domaine, en collaboration avec d’autres organismes. Un exemple est l’ALASKA, une étude en vie réelle qui regroupe des données de 480 000 apnéiques nouvellement appareillées par machines de PPC. Le but est d’identifier les profils des patients et leur persistance dans le traitement au cours des années pour une prise en charge améliorée de l’apnée du sommeil [18].
ResMed continue à développer le marché de la médecine du sommeil, soit avec des dispositifs médicaux ou solutions connectées soit avec le financement des études. Et ceci est résultat de la vision que le Dr. Peter Farrell a donné à l’entreprise. Grâce à toutes les personnes qui font partie de ResMed, l’entreprise maintient sa position de leader du marché et peut continuer à développer des solutions médicales.
Chapitre 2 : Les maladies respiratoires du sommeil et l’impact sur la qualité de vie de la population
Les troubles du sommeil sont définis comme toute perturbation de la durée ou de la qualité du sommeil. Selon l’Académie Américaine de Médecine du Sommeil (AASM), les troubles du sommeil se partagent en six grands groupes :
- Les insomnies ;
- Les troubles respiratoires du sommeil ;
- Les hypersomnies d’origine centrale non reliées à un trouble du rythme circadien, respiratoire ou autre cause de troubles du sommeil nocturne ;
- Les troubles du rythme circadien ;
- Les parasomnies ;
- Les mouvements anormaux en relation avec le sommeil ; et,
- Autres troubles du sommeil [11], [19].
En 2017, 13.1% de la population française entre 18 et 75 ans souffrait d’insomnies chroniques. Un autre exemple, le somnambulisme, peut toucher jusqu’à 22% des enfants et pour les adultes les chiffres descendent à 2-4%. Les hypersomnies d’origine centrale sont plus rares, par exemple la narcolepsie qui touche de 1 à 5 personnes par 10.000 habitants. Par la suite, ce travail se centre sur les troubles respiratoires du sommeil (TRS), plus précisément sur les syndromes d’apnées du sommeil. Cette maladie est très actuelle et touche environ 1 adulte sur 5 dans la population française [10], [20]–[24].
2.1. Les Troubles Respiratoires du Sommeil
Une respiration anormale, des pauses respiratoires et une ventilation insuffisante sont les caractéristiques qui définissent les troubles respiratoires du sommeil. Ces troubles sont partagés en quatre grandes catégories : le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), le syndrome d’apnée centrales du sommeil (SACS), le syndrome d’hypoventilation du sommeil et le syndrome d’hypoxie du sommeil. Comme indiqué ci-dessus la cible de ce travail sont les syndromes d’apnées du sommeil [25], [26].
Afin de mieux comprendre ce sujet, il est nécessaire de définir deux évènements respiratoires qui sont présents dans ces syndromes : les apnées et les hypopnées. Ils deviennent pathologiques lorsqu’ils se répètent plusieurs fois au cours de la nuit. Selon l’AASM, les apnées sont des arrêts momentanés ou des diminutions de > 90% de la respiration durant > 10 secondes. De plus, les apnées sont catégorisées en obstructives, centrales et mixtes [27].
Les apnées obstructives sont provoquées par la fermeture totale ou partielle des voies aériennes supérieures. Elles sont caractérisées par la présence d’efforts respiratoires en opposition de phase des muscles thoraco-abdominaux (Figure 3). Ces mouvements sont faits en opposition de phase afin de forcer l’ouverture des voies aériennes supérieures. En revanche, dans les apnées centrales aucun mouvement n’est réalisé par les muscles thoraco-abdominaux en raison de l’absence de la commande respiratoire gérée par le cerveau (Figure 4). Et enfin, les apnées mixtes sont la combinaison des apnées centrales et obstructives (Figure 5). L’apnée débute de façon centrale, puis elle se poursuit par un mécanisme obstructif [27], [28].
Figure 3 : Une apnée obstructive scorée sur un tracé réel utilisant le logiciel Noxturnal (Source : Auteure).
Figure 4 : Une apnée d'origine centrale scorée sur un tracé réel utilisant le logiciel Noxturnal (Source : Auteure).
Figure 5 : Une apnée mixte scorée sur un tracé réel utilisant le logiciel Noxturnal (Source : Auteure).
Suivant l’AASM, les hypopnées sont des évènements respiratoires qui présentent une diminution de 30% du flux respiratoire naso-buccal. Pour que l’hypopnée soit pathologique, elle doit durer > 10 s et être associée à une chute de la SpO2 (désaturation) de > 3% ou à un micro-éveil (Figure 6 et Figure 7). Elles sont catégorisées comme obstructives s’il y a la présence d’un ou des évènements de : ronflement, limitation de débit et/ou déphasage des efforts respiratoires thoraco-abdominaux. Si elles ne présentent aucun de ces critères, elles sont dites centrales. Pour les enfants, la définition d’une hypopnée est similaire à celle d’un adulte, à l’exception de la durée d’évènement [27].
Figure 6 : Une hypopnée associée à une désaturation scorée sur un tracé réel utilisant le logiciel Noxturnal (Source : Auteure).
Figure 7 : Une hypopnée associée à un micro-éveil scorée sur un tracé réel utilisant le logiciel Noxturnal (Source : Auteure).
2.1.1. Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS)
Aussi appelée syndrome d’apnée-hypopnée obstructives du sommeil, cette pathologie est la forme la plus connue des troubles respiratoires du sommeil. Son incidence est d’environ 4 à 10% dans la population française. Ce syndrome est caractérisé par la présence prédominante des apnées et hypopnées obstructives. Ces évènements respiratoires entraînent des micro-éveils fréquents et des désaturations d’oxygène. Le SAOS est toujours associé à une baisse de la qualité de vie, de l’apparition des comorbidités et de l’augmentation de la mortalité [25], [29]–[33].
L’obstruction des voies aériennes supérieures dans le syndrome d’apnées obstructives du sommeil est régulièrement liée à la structure physio-anatomique du patient. La dilatation du pharynx, l’obstruction des voies nasales et l’augmentation de la taille des amygdales sont des altérations qui contribuent à l’affaissement des voies respiratoires. Les autres facteurs de risque sont l’âge et le surpoids (principalement l’obésité) [24], [34].
Ce trouble a comme principaux symptômes le ronflement nocturne et la somnolence diurne excessive. Les ronflements entraînent une perturbation du sommeil qui devient non-réparateur et déstructuré. Ce symptôme a aussi des impacts sociaux, car 95% des conjoints rapportent avoir le sommeil perturbé à cause des ronflements de son compagnon ou de sa compagne. A son tour, la somnolence diurne excessive a des impacts encore plus importants, car entre 2015 et 2019 elle a été la cause de 23% des accidents mortels sur les autoroutes. Ces symptômes principaux sont fréquemment accompagnés de céphalées matinales, difficultés de concentration, nycturie, fatigue diurne, etc [29], [31], [35], [36].
Chez les femmes, le syndrome d’apnées-hypopnées du sommeil est deux fois moins fréquent que chez les hommes. Son incidence est d’environ 2% et le développement du SAOS est plus tardif. De plus, étant donné que cette maladie se présente d’une façon clinique atypique, elle est assez souvent sous-diagnostiquée. Les symptômes les plus présents chez les femmes sont l’insomnie, troubles de l’humeur, fatigue, manque d’énergie et de motivation, céphalées et douleurs musculaires. La ménopause et les problèmes cardiovasculaires sont des facteurs de risque pouvant contribuer au développement du syndrome d’apnées obstructives du sommeil [34], [37], [38].
Quand non-diagnostiqué ou non-traité, le SAOS diminue la qualité de vie de l’individu car il présentera la majorité des symptômes ci-dessus exposés. Les conséquences seront aussi de caractère social, étant donné que les personnes atteintes de cette maladie sont assez souvent fatiguées. D’une façon plus sévère la conséquence est l’apparition des maladies cardiovasculaires graves comme, par exemple : l’accident vasculaire cérébral, l’infarctus du myocarde et l’insuffisance cardiaque. Le non-traitement de cette maladie peut réduire drastiquement la longévité de la population [39].
Malgré plusieurs campagnes de sensibilisation pour les patients et les médecins, le syndrome d’apnées obstructives du sommeil reste sous-diagnostiqué (Figure 8). Selon la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil, environ 50% des personnes atteintes d’apnées du sommeil n’ont pas encore été diagnostiquées. Cela induit que les chiffres, ci-dessus présentés, représentent juste une partie de toutes les personnes atteintes de ce trouble respiratoire du sommeil [40].
Figure 8 : Campagne nationale 2021 "A chacun son sommeil" [41].
2.1.2. Le syndrome d’apnées centrales du sommeil (SACS)
Le syndrome d’apnées centrales du sommeil est le résultat d’un dysfonctionnement de la commande respiratoire. Dans ce cas, le cerveau n’envoie pas de commande aux muscles thoraco-abdominaux qui, par la suite, ne réalisent pas de mouvement. Cette absence de mouvements respiratoires ne crée pas la différence de pression nécessaire à l’entrée et la sortie d’air dans les voies aériennes. La conséquence est une apnée.
Plus rare que le syndrome d’apnées obstructives du sommeil, le SACS représente moins de 5% de tous les cas diagnostiqués des syndromes d’apnées du sommeil. Ce chiffre ne semble pas étonnant, mais si on regarde dans les populations atteintes de maladies cardiovasculaires, le pourcentage du SACS monte à environ 20%. Pour les individus utilisant des opiacés à long terme, 50% de cette population est atteinte du syndrome d’apnées centrales du sommeil [42], [43].
Ce syndrome est caractérisé par la présence prédominante des apnées et hypopnées centrales. En addition, une caractéristique du SACS pour les patients atteints des maladies cardiaques est la présence d’une respiration périodique de Cheyne-Stokes. Cette respiration est caractérisée par des phases alternées d'hyperpnée et d'apnées centrales. Pour être définie comme une respiration périodique de Cheyne-Stokes, ces phases alternées doivent composer au moins trois cycles (Figure 9). Ceci donne à la forme de la courbe de flux nasal un aspect crescendo et decrescendo. Elle aggrave l’insuffisance cardiaque et augmente le taux de mortalité, car elle fait osciller la tension artérielle, la fréquence cardiaque et même la perfusion sanguine dans le cerveau. La respiration de Cheyne-Stokes atteint jusqu'à 50 % des patients souffrant d'insuffisance cardiaque [42], [44]–[46].
Figure 9 : Forme de la courbe de flux respiratoire pour une respiration périodique de Cheyne-Stokes (Source : Auteure).
Les symptômes du syndrome d’apnées centrales du sommeil sont peu spécifiques. Les patients décrivent avoir de la fatigue, une sensation de dyspnée à l’endormissement et de la nycturie. Ils peuvent aussi présenter de la somnolence diurne et de l’insomnie comme dans le syndrome d’apnées obstructives du sommeil. Lorsque non-traité, le syndrome d’apnées centrales du sommeil accroit le risque de mortalité [42], [43].
2.2. Le diagnostic des troubles respiratoires du sommeil
Selon des données de 2019, environ 636 000 actes de polygraphie et 215 000 actes de polysomnographie ont été réalisés en France. Pour réaliser un diagnostic indiquant la présence d’un syndrome d’apnées du sommeil, le médecin prendra en compte des données qualitatives et quantitatives. Pour le SAOS, par exemple, l’Académie Américaine de médecine du sommeil préconise l’évaluation de trois critères, deux qualitatifs et un quantitatif [29], [32], [47]–[49]. Ils sont présentés dans le tableau ci-dessous (Tableau 1).
Tableau 1 : Critères de définitions d'un syndrome d'apnées obstructives du sommeil selon l’Académie américaine de médecine du sommeil [50].
Pour définir la présence des critères qualitatifs (critère A et B), l’utilisation de questionnaires comme l’Echelle d’Epworth, le Score STOP-Bang ou le questionnaire ODSI est mise en place. L’index d’apnées hypopnées est le critère quantitatif de cette évaluation. Il est le principal critère utilisé pour vérifier la sévérité des syndromes d’apnées du sommeil. Cet index correspond à la moyenne d’évènements respiratoires qui arrivent par heure au cours de la période totale de sommeil. Il englobe tous les évènements indépendamment de leur origine obstructive, centrale ou mixte [29], [51], [52].
Pour un adulte, un index d’apnées-hypopnées inférieur à 5 évènements/h est considéré comme normal car toutes les personnes font des apnées ou des hypopnées au cours de la nuit. Toutefois quand cet index s’élève à > 5/h il est dit pathologique et est utilisé pour qualifier le syndrome d’apnées du sommeil en trois niveaux de sévérité [47].
- Léger : si 5 < IAH < 15 ;
- Modéré : si 15 < IAH < 30 ;
- Sévère : si IAH > 30 [47].
Pour les enfants, le diagnostic est fait en tenant compte du cadre clinique général, car il n’existe pas de consensus entre les sociétés savantes par rapport aux valeurs d’IAH dans l’échelle de sévérité.
L’index d’apnées-hypopnées est obtenu à partir de la réalisation d’examens de polygraphie ventilatoire et polysomnographie. Ces deux examens remboursés par la sécurité sociale peuvent établir le diagnostic des troubles du sommeil et la meilleure voie de traitement pour les patients.
2.2.1. La polygraphie ventilatoire
Un polygraphe ventilatoire est un dispositif médical de classe IIa qui enregistre des signaux physiologiques pendant le sommeil. Cet appareil possède des capteurs de débit, de position, de mouvements respiratoires, de luminosité et un microphone intégré. De plus, les boîtiers les plus modernes comme le polygraphe Nox T3s (distribué par Resmed) possèdent une connexion bluetooth (Figure 10). Celle-ci est utilisée pour communiquer avec une oxymontre qui transmettra au polygraphe les données de saturation d’oxygène, de pouls et de fréquence cardiaque.
Figure 10 : Dispositif de polygraphie Nox T3s. Fabriqué par Nox Médical et distribué par ResMed [17].
La polygraphie ventilatoire (PG) est un examen ambulatoire pouvant déterminer la présence des syndromes d’apnées du sommeil. Elle est réalisée sur prescription médicale et permet d’évaluer l’index d’apnées-hypopnées de la nuit de sommeil. Selon la Haute Autorité de Santé, un examen de polygraphie ventilatoire doit enregistrer au minimum 5 signaux, dont le flux naso-buccal, les mouvements thoraco-abdominaux, l’oxymétrie, la fréquence cardiaque et la position (Figure 11). La polygraphie est indiquée si le patient a une présomption clinique de syndrome d’apnées obstructives du sommeil, mais n’a pas de signe d’autres pathologies du sommeil [47], [53].
Figure 11 : Equipement de polygraphie Nox T3s posé sur mannequin (Source : Auteure).
Tableau 2 : Résumé des signaux les plus présents en polygraphie ventilatoire et l’intérêt de le faire.
L’examen ambulatoire débute avec l’appareillage des patients à l’hôpital ou dans un cabinet médical, puis ils rentrent chez eux pour dormir comme d’habitude. Au cours de la nuit, le polygraphe enregistrera les données de débit respiratoire, d’effort thoracique et abdominal, d’actimétrie, de position du corps, de puissance du ronflement, de saturation d’oxygène et de fréquence cardiaque. Le lendemain, ils déposent l’appareil au service médical et le médecin du sommeil réalisera le téléchargement et la relecture de l’enregistrement (Figure 12). C’est à travers cette relecture que le médecin pourra évaluer la présence ou pas d’un syndrome d’apnées du sommeil et sa sévérité.
Figure 12 : Exemple des signaux acquis par polygraphie ventilatoire (Source : Auteure).
Cet examen est remboursé par l’Assurance Maladie et soumis à un forfait de 145,92€. Pour le syndrome d’apnées obstructives du sommeil, la polygraphie ventilatoire peut être réalisée chez l’adulte ou chez l’enfant. Principalement dans les cas suivants : le diagnostic, l’instauration d’un traitement, le suivi des traitements à court terme et à long terme [53], [54].
La plus grande limitation de la polygraphie ventilatoire est le manque de données par rapport au sommeil. Pour certains patients qui possèdent un sommeil trop fragmenté, les résultats de la polygraphie peuvent être faussés, ayant un index d’apnées et hypopnées sous-estimé. Afin de surmonter cette limitation et augmenter la précision des examens de PG, certains fabricants ont développé des algorithmes d’intelligence artificielle qui estiment les stades du sommeil des patients. Un exemple est l’algorithme Nox BodySleep de l’entreprise islandaise Nox Medical. Toutefois cela ne remplace pas l’utilisation et la pertinence de la polysomnographie dans le diagnostic des troubles du sommeil [55]–[57].
2.2.2. La polysomnographie
Un polysomnographe est un dispositif médical de classe IIa et enregistre au moins 7 signaux physiologiques différents. Comme les polygraphes, un système de polysomnographie enregistre des signaux comme : le débit naso-buccal, la position, l’actimétrie, les mouvements respiratoires, le volume du ronflement, la saturation d’oxygène, le pouls et la fréquence cardiaque. En addition, les polysomnographes enregistreront aussi les signaux d’électroencéphalographie (EEG), d’électrooculographie (EOG) et d’électromyographie (EMG). Ceux-ci étant propres à l’étude du sommeil.
Tableau 3 : Résumé des signaux les plus présents en polysomnographie et l’intérêt de le faire.
Selon la Haute Autorité de Santé, la polysomnographie doit comporter au moins 6 signaux de quantification des stades du sommeil. Ces signaux sont : 3 d’électroencéphalographie, 2 d’électrooculographie et 1 d’électromyographie mentonnier. L’examen devra être complété par l’ajout d’autres signaux à enregistrer selon les pathologies recherchées [53].
Des systèmes de polysomnographie comme le Nox A1 (distribué par Resmed) ont (Figure 13) :
- 8 voies unipolaires d’EEG,
- 2 voies unipolaires d’EOG,
- 3 voies unipolaires d’EMG mentonniers,
- 2 voies bipolaires d’EMG jambiers,
- 1 voie bipolaire d’ECG, et
- 1 voie bipolaire supplémentaire pour l’utilisation d’un thermistance ou d’un pneumotachographe [58].
Figure 13 : Système de polygraphie Nox A1. Fabriqué par Nox Medical et distribué par ResMed (Source : Auteure).
La polysomnographie est l’examen de référence pour le diagnostic des troubles du sommeil. Elle permet l’analyse de la qualité du sommeil, ainsi que ses effets sur la qualité des paramètres respiratoires (Figure 14). Elle est aussi remboursée par l’Assurance Maladie et soumis à un forfait maximal de 246,24€. Ce forfait varie selon la durée d’enregistrement et l’utilisation ou non de la vidéo. Elle peut être réalisée de façon non-surveillée (ambulatoire) ou surveillée (dit en temps-réel) [59], [60], [61].
Figure 14 : Exemple des signaux acquis en polysomnographie (Source : Auteure).
2.2.2.1. Polysomnographie ambulatoire (non-surveillée)
Dans la polysomnographie ambulatoire, le patient est appareillé à l’hôpital ou dans un cabinet médical. Après vérification des signaux, le patient est libre pour rentrer chez lui. Comme pour la polygraphie, il dormira avec le matériel et le lendemain ira le déposer au service médical. Ainsi, le médecin réalisera le téléchargement et la relecture de cet enregistrement. Grâce aux signaux propres à l’étude du sommeil et les signaux supplémentaires, le médecin pourra vérifier la fragmentation du sommeil et la présence d’autres troubles.
2.2.2.2. Polysomnographie en temps-réel (surveillée)
La polysomnographie en temps-réel se déroule en hospitalisation. Après l’appareillage et la vérification des signaux, le patient dort sur place. Tous ses signaux physiologiques sont transmis en direct à un ordinateur, où un technicien du sommeil ou une personne formée surveille l’enregistrement du patient. Dans ce type d’examen, il est aussi possible d’ajouter l’enregistrement vidéo du patient dans le but de vérifier comment se déroule sa nuit de sommeil. Cela est souvent présent dans les laboratoires du sommeil, sujet qui sera exposé dans le chapitre 3.
Chapitre 3 : Laboratoire du sommeil, quel rôle joue l’ingénieur d’application diagnostic ?
Un laboratoire du sommeil ou centre du sommeil est un établissement dédié au diagnostic et au traitement des troubles du sommeil. Cet environnement spécialisé regroupe plusieurs professionnels de santé et permet d’accompagner le patient tout au long de sa prise en charge. Normalement, dans le laboratoire du sommeil tous les troubles peuvent être étudiés à l’aide de différentes méthodes de diagnostic. Ainsi, c’est le rôle du médecin du sommeil de définir la meilleure stratégie pour le diagnostic de chaque patient.
En France, le nombre de centres du sommeil situés au sein d’un hôpital ou d’une clinique augmente chaque année. Actuellement, ils sont plus d’une cinquantaine dont 45 établissements agréés par la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil (Figure 15). Ces laboratoires possèdent au moins une chambre du sommeil qui est dédiée à la réalisation des tests itératifs de latence d’endormissement (TILE), tests de maintien de l’éveil (TME) et des examens de polysomnographie, par exemple [62], [63].
Figure 15 : Distribution en France des centres du sommeil agréés par la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil [63].
Certains laboratoires du sommeil sont spécialisés dans le diagnostic des syndromes d’apnées du sommeil, d’autres dans les hypersomnies comme la narcolepsie et encore d’autres pour les troubles du sommeil chez les enfants. La réalisation d’examens de contrôle sous machine est aussi possible dans ces centres d’expertise. Pour cela, le patient est relié à l’appareil de pression positive continue et est soumis à un examen de polysomnographie au cours de la nuit pour vérifier l’efficacité de son traitement.
Les équipements utilisés dans ces centres sont très techniques et leur mauvaise utilisation a comme conséquence un sous-diagnostic ou un mauvais diagnostic des patients. Ainsi, pour assurer la bonne utilisation de ces dispositifs, la formation adéquate du personnel et l’accompagnement technique sont primordiaux. Ceci est fait grâce à la présence d’un Ingénieur d’application Diagnostic. Les situations et le parcours de mise en place d’un laboratoire du sommeil décrits après sont le résultat des missions réalisées dans le cadre de mon stage de fin d’études. Ceci a été réalisé lors des installations de systèmes de polysomnographie en temps-réel à : la Clinique du Renaison (Roanne), l’Hôpital Maison Blache (Reims), la Clinique La Croix du Sud (Toulouse) et la Clinique Mutualiste (Saint-Etienne).
3.1. Le rôle de l’Ingénieur d’Application pour le diagnostic des troubles du sommeil
Par définition un ingénieur d’application est un professionnel spécialisé sur un dispositif. C’est lui qui réalise la démonstration des appareils, forme les utilisateurs à la bonne exploitation et fournit un support technique en cas de besoin. En tant que spécialiste, l’ingénieur d’application diagnostic doit bien connaître le produit par rapport à :
- Son mode de fonctionnement et d’emploi,
- Ses caractéristiques techniques,
- Les erreurs de manipulation les plus fréquentes,
- Les soucis techniques les plus récurrents, et
- Les solutions de dépannage à mettre en place.
Il doit aussi être attentif aux informations transmises par le chef produit diagnostic comme par exemple les informations de mises à jour firmware ou logicielles. Cela demande aussi des connaissances techniques en informatique, car souvent il est nécessaire de prendre la main à distance sur l’ordinateur du client.
En étant une des expertes techniques du diagnostic, j’ai été référente interne et externe pour les régions d’Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ainsi, avec les compétences techniques d’un ingénieur d’application, j’ai été responsable d’un parc de dispositifs de plus de 1000 appareils de polygraphie et plus de 100 de polysomnographie.
D’après mon expérience en tant qu’ingénieure d’application diagnostic, les missions dépassent la sphère technique. Ce métier demande des aptitudes humaines en communication, en relationnel et en pédagogie, de façon à bien comprendre les besoins des clients et de leurs patients. Normalement, ses clients sont des prestataires de santé à domicile et/ou des médecins (pneumologues, oto-rhino-laryngologiste, cardiologues, médecins généralistes et neurologues). Ainsi, il est nécessaire d’utiliser ses compétences humaines pour s’adapter aux besoins de chaque client.
Des compétences commerciales sont aussi nécessaires au cours des déploiements de projets pour le soutien des équipes de ventes. Ainsi, cela introduit aussi l’ingénieur d’application diagnostic dans les sphères commerciale et humaine. Ceci est décrit ci-dessous au cours du parcours de mise en place d’un laboratoire du sommeil.
3.2. Le rôle de l’Ingénieur d’Application pour la mise en place d’un laboratoire du sommeil
A la différence d’autres domaines, en étant ingénieur d’application diagnostic il est possible d’être présent au déploiement d’un laboratoire du sommeil depuis le tout début. Il participe activement tout au long du chemin qui aboutira à la mise en fonctionnement des dispositifs. Néanmoins, son rôle ne se limite pas à cela puisque ResMed ne vend pas simplement des dispositifs médicaux, mais aussi des services. L’ingénieur d’application est aussi responsable de fournir le support technique après-vente.
La mise en place d’un laboratoire du sommeil demande la participation de plusieurs acteurs. A la fois des acteurs des domaines commerciaux, techniques et/ou cliniques. Ce parcours est aussi composé de plusieurs phases, selon les types de clients et de prestations qu’ils fourniront pour diagnostiquer les troubles du sommeil. Les phases pour la mise en place d’un laboratoire du sommeil sont exposées ci-dessous (Figure 16).
Figure 16 : Phases de la mise en place d'un laboratoire du sommeil.
Après un démarchage commercial réalisé par des attachés technico-commerciaux et grâce à ses compétences techniques, l’ingénieur d’application reçoit la demande de participation à un projet de laboratoire du sommeil. A ce moment-là, les compétences techniques, humaines et commerciales sont d’autant plus nécessaires pour la bonne réalisation du projet.
3.2.1. Phase 1 : Présentation du matériel
Ce sont des médecins pneumologues, oto-rhino-laryngologiste, cardiologues, médecins généralistes ou neurologues qui interviennent dans les laboratoires du sommeil. Quand il s’agit d’un praticien qui ne connaît pas le système de polysomnographie Nox A1, la première étape consiste en une présentation technique de l’appareil. Normalement, la présentation du matériel est suivie d’une démonstration où le système de polysomnographie est posé sur un patient pour un enregistrement du sommeil d’essai. Le lendemain l’ingénieur d’application peut accompagner le médecin dans le téléchargement et la relecture de l’enregistrement pour présenter les fonctions principales du logiciel. Il est important de dire que dus à l’aspect très technique des examens de polysomnographie en temps-réel et au besoin d’une configuration très spécifique, les démonstrations se passent en majorité en mode ambulatoire.
C’est au cours de la présentation du matériel que l’ingénieur d’application peut vérifier l’intérêt commercial de présenter d’autres équipements au client. Par exemple, un laboratoire du sommeil qui réalisera la titration des pressions machine pour les patients récemment diagnostiqués aura besoin d’appareils supplémentaires. Ou alors, si en plus d’un contrôle polysomnographique, le centre du sommeil décide de réaliser un contrôle de la capnie au cours de la nuit, un système de capnographie est nécessaire. Tous ces besoins sont identifiés au cours des premiers échanges avec les clients.
Dans le cas où le client connaît déjà le matériel, car il l’a déjà testé auparavant ou parce qu’il l’utilise déjà en mode ambulatoire, la présentation n’est pas nécessaire. Un échange téléphonique peut être mis en place pour cibler les appareils nécessaires au projet.
3.2.2. Phase 2 : Demande de devis pour le client
A ce moment, son client peut être un médecin qui ira acheter le matériel directement à ResMed ou un prestataire de santé à domicile. Le prestataire est un des grands acteurs et clients de ce marché, car souvent il achète le matériel puis le loue aux médecins.
Ainsi, après avoir identifié le matériel nécessaire et avec l’approbation du client, l’ingénieur d’application diagnostic demande au service vente un devis pour la liste de matériel. Son travail ne finit pas là, c’est lui qui devra vérifier si le devis correspond bien aux besoins du projet et s’il n’y a pas d’erreurs dans sa composition. Si le client achète le matériel, les préparations pour l’installation commencent. L’ingénieur d’application contacte le service biomédical et/ou le service informatique pour passer les consignes pour la préparation des chambres. Par exemple, la quantité de prises secteur et prises réseaux, la distance entre le poste de service et la chambre, le câblage nécessaire, etc. De cette façon, les chambres du sommeil sont prêtes à l’installation du matériel.
3.2.3. Phase 3 : Installation du matériel et mise en fonctionnement
L’installation et mise en fonctionnement d’un système de polysomnographie en temps-réel, comme le Nox A1, se fait en plusieurs étapes. Comme une partie des composants du système communiquent par Bluetooth et l’autre dans un réseau Ethernet fermé, un pré-paramétrage de quelques dispositifs est nécessaire. Ceci est fait pour régler les adresses IP des dispositifs selon les demandes du service informatique (Figure 17).
Figure 17 : Schéma de communication entre les dispositifs d'une chambre du sommeil (Source : Auteure).
Ensuite l’installation physique des dispositifs commence. L’ingénieur d’application ira placer tous les équipements puis il réalisera tous les branchements des appareils. Avec l’aide du service technique de bâtiment, la caméra sera fixée au mur face au lit et si nécessaire des corrections dans les prises et connectiques réseaux sont faites. Si tout est bien installé, l’ingénieur d’application peut réaliser l’étiquetage des dispositifs et des prises. L’étiquetage ou l’utilisation de gommettes en couleurs est une technique importante en cas d’installation de plusieurs chambres du sommeil dans un même laboratoire du sommeil (Figure 18). Elle permet à l’utilisateur de ne pas mélanger les dispositifs qui seront utilisés dans chaque chambre du sommeil. Cela n’est pas obligatoire, mais très utile en cas de dépannage à distance ou même lors d’un rendez-vous présentiel.
Figure 18 : Système de polysomnographie étiquetté (Source : Auteure).
Ceci fait, l’ingénieur d’application diagnostic ira paramétrer la chambre du sommeil sur le logiciel Noxturnal (Nox Medical, distribué par ResMed). A ce moment il devra vérifier que tous les appareils physiques ont été ajoutés dans la chambre virtuelle du logiciel et réaliser les paramétrages supplémentaires (Figure 19).
Figure 19 : Exemple d'une chambre du sommeil sur le logiciel Noxturnal (Source : Auteure).
En cas de problème de communication entre les appareils et le logiciel, l’ingénieur d’application doit disposer de compétences techniques et informatiques pour identifier le souci. Il peut réaliser des tests d’envoi de paquets de données pour vérifier la communication en réseau ou des changements dans le branchement réseau.
Ensuite, si la chambre virtuelle est bien configurée, il est possible de commencer les « tests à blanc ». C’est-à-dire des tests de vérification de fonctionnement sans patient branché. Le but de cette étape est de simuler le lancement d’un enregistrement et vérifier que les dispositifs se connectent bien. L’ingénieur d’application peut aussi brancher une partie des accessoires à lui-même pour vérifier sur les tracés la transition du signal de bruit à un signal physiologique. De cette façon le fonctionnement du boîtier de polysomnographie est aussi testé (Figure 20).
Figure 20 : Enregistrement à blanc pour tester le fonctionnement de la caméra (Source : Auteure).
Après que les corrections nécessaires aient été apportées, la chambre est prête pour son premier patient (Figure 21 et Figure 22). Et pour cela, la formation du personnel à l’utilisation et à la pose du polysomnographe est fondamentale.
Figure 21 : Chambre du sommeil à la Clinique du Renaison (Roanne) prête à recevoir son premier patient (Source : Auteure).
Figure 22 : Salle d'acquisition du laboratoire du sommeil à la Clinique du Renaison, Roanne (Source : Auteure).
3.2.4. Phase 4 : Formation du personnel à l’utilisation du matériel et du logiciel
Pour la formation des utilisateurs, l’ingénieur d’application diagnostic a un rôle capital. L’objectif est de mettre l’utilisateur de l’appareil en totale autonomie pour la pose du dispositif et pour l’utilisation du logiciel. Comme la pose du polysomnographe peut être faite par des médecins, infirmières, aides-soignantes ou techniciens du sommeil, il est nécessaire de s’adapter à chaque interlocuteur.
L’ingénieur d’application guidera et conseillera le nouvel utilisateur au cours de la pose, pouvant aussi la réaliser avec lui. Il lui présentera les bonnes pratiques et celles à éviter, de manière à ce que son interlocuteur soit à l’aise avec la manipulation de l’appareil. L’objectif est qu’il devienne rapidement un utilisateur autonome.
Figure 23 : Pose des électrodes d'EEG faite par un nouvel utilisateur (Source : Auteure).
Après la pose de l’appareil, la formation continue avec la vérification des signaux avant le lancement de l’examen. Pour cela, il présente à son interlocuteur l’application Androïd Noxturnal (Nox Medical, distribué par ResMed) où il est possible de vérifier la qualité des signaux physiologiques obtenus (Figure 24 et Figure 25). Si des corrections sont nécessaires le poseur saura exactement où le faire, sinon il peut continuer sa formation.
Figure 24 : Exemple de vérification de signaux de polysomnographie après la pose du matériel (Source : Application mobile Noxturnal).
Figure 25 : Exemple de vérification de signaux d’électroencéphalogramme (Source : Application mobile Noxturnal).
Généralement, la formation se finit par la présentation du logiciel et lancement de l’examen. Encore une fois, l’ingénieur d’application doit s’adapter à la personne en face, car différentes formations logicielles sont possibles. Une formation complète à l’utilisation du logiciel est faite pour les médecins puisque c’est eux qui réaliseront la relecture des tracés et analyse des résultats. Pour le personnel paramédical ou soignant, une formation logicielle est faite pour le lancement des examens, le suivi des signaux pendant la nuit et le dépannage des soucis de connexion.
3.2.5. Phase 5 : Suivi et support technique après-vente
L’apprentissage est un processus long, le nouvel utilisateur ne sera pas totalement autonome après la première pose. Ainsi, des supports d’aide comme des guides d’utilisation seront mis à disposition. Et l’ingénieur d’application fera l’accompagnement de cet utilisateur, toujours prêt à répondre aux questions et à évaluer le besoin de sa présence lors d’une nouvelle pose de dispositif.
Ensuite, il devra être assez réactif pour assurer le support technique des dispositifs sur le terrain. Cela pourra être fait en guidant le client concernant les manipulations à réaliser, par une prise de main à distance sur l’ordinateur ou même en allant sur place. Ainsi, après une explication par le client du souci rencontré, l’ingénieur d’application devra comprendre la cause et la résoudre. En cas de problème dû à une mauvaise utilisation, il devra profiter de l’occasion pour faire un rappel des bonnes pratiques pour l’utilisation des systèmes de poly(somno)graphie.
Le suivi de ce client est continu et l’ingénieur d’application sera présent à tout moment jusqu’à la fin de vie de l’appareil. Dans le cas d’ajout d’une nouvelle chambre du sommeil au laboratoire, il pourra recommencer la procédure de mise en place. Et si un nouveau modèle de l’appareil de polysomnographie est lancé, l’ingénieur d’application proposera les changements à faire pour l’utiliser dans les chambres déjà équipées.
3.3. Le rôle de l’Ingénieur d’Application face aux nouveaux défis
Selon les besoins des clients et de la structure à laquelle ils sont attachés, les demandes de mise en place peuvent être très précises. De cette façon, l’ingénieur d’application est toujours confronté à des nouveaux défis. Comme exemple, un service de pédiatrie et qui n’a pas encore une chambre dédiée a fait une demande de laboratoire du sommeil itinérant. Ceci a exigé l’adaptation des compétences au besoin du client et de ses patients, ce qui est crucial. La solution proposée a été un chariot contenant tout le système de polysomnographie pouvant être transporté à la chambre de chaque patient (Figure 26).
Figure 26 : Laboratoire du sommeil itinérant au CHU de Reims (Source : Jonathan Devillers, Ingénieur d'application Diagnostic chez ResMed).
Comme toute solution elle a aussi des contraintes. La surveillance de l’enregistrement ne peut pas être faite en direct, à moins que l’infirmière passe la nuit aussi dans la chambre. Pour ce client, le plus important était la mobilité et l’adaptabilité du système, donc ne pas avoir la surveillance des tracés au cours de la nuit n’a pas posé de soucis. Ainsi, c’est à l’ingénieur d’application de comprendre les besoins et leurs contraintes, d’évaluer la solution et son applicabilité et la présenter au client.
3.4. Apports du stage
Au cours de ce stage de fin d’études, j’ai pu participer à plusieurs projets en tant qu’ingénieure d’application diagnostic. Il a été très enrichissant pour moi d’être au sein d’une entreprise multinationale renommée dont les valeurs sont vraiment centrées sur le bien-être du patient. Depuis le premier jour jusque-là, toutes les missions qui m’ont été confiées ont servi à mon développement professionnel et personnel.
Le métier d’Ingénieur d’application est capital, puisque c’est lui qui fait le pont direct entre l’entreprise qui fournit le dispositif médical et le client. Ses compétences techniques sont aussi importantes que ses compétences humaines et commerciales. Ainsi, grâce aux équipes de marketing, ventes et formations cliniques j’ai pu monter en compétences par rapport aux aspects cliniques des maladies du sommeil, au contact client et aux dispositifs médicaux de polygraphie et de polysomnographie.
En tant qu’ingénieure d’application diagnostic, j’ai eu l’opportunité d’être totalement autonome pour gérer mes déplacements, mes rendez-vous et mon temps en télétravail. De plus, j’ai pu être confrontée aux mêmes situations que mes collègues de métier.
Le métier d’ingénieur d’application m’a beaucoup plu. J’ai apprécié le fait de m’adapter à chaque interlocuteur (collègues d’entreprise, prestataires de santé, médecins et personnel paramédical) et de leur fournir des réponses. Également, il m’a beaucoup plu d’être impliquée, dans une certaine mesure, à la prise en charge des patients atteints de troubles du sommeil. Cela m’a fait réaliser l’importance et les engagements du métier d’ingénieur d’application diagnostic.
Avec plus de 10.000 km parcourus sur les routes de la région sud-est de la France, j’ai aussi connu le côté solitaire du métier. Indépendamment des appels qu’on reçoit au cours des déplacements, l’ingénieur d’application diagnostic passe la majorité de son temps seul. Soit au cours des déplacements ou des journées de télétravail. Au début, ce côté m’a moins plu, mais j’ai appris à m’adapter et à l’apprécier avec le temps.
En effet, le fait d’être la majorité du temps toute seule m’a forcée à être encore plus rigoureuse et organisée dans la gestion de mon temps. De plus, cela m’a permis de profiter des occasions avec mes collègues pour observer la façon dont ils travaillent ainsi que d’écouter attentivement leur partage d’expérience.
Conclusion
Face à la perte de la qualité de vie des patients atteints des troubles respiratoires du sommeil et au risque de développer ou aggraver des comorbidités, le diagnostic de ces maladies reste primordial. Ainsi, l’ingénieur d’application diagnostic joue un rôle primordial pour la mise en place d’un laboratoire du sommeil. Il doit être capable de répondre techniquement aux demandes faites soit pour l’installation des équipements soit pour le support technique.
Ce stage m’a permis de développer mes compétences techniques et de devenir une spécialiste diagnostic en interne et en externe. Également mes compétences humaines ont été développées.
Ainsi, ce stage vient parfaitement clôturer mon parcours universitaire et donner suite à ma vie professionnelle. L’objectif de mon Master en Ingénierie de la Santé a été atteint. Et avec conviction, j’assume être prête à saisir le chemin de mon projet professionnel et à continuer à monter en compétences.