IDS086 - La pertinence du choix entre l’Usage Unique et l’Usage Multiple des dispositifs médicaux stériles selon les principes du développement durable
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Auteurs
Contacts
- Bednarski Romain : romain.bednarski@gmail.com
- Boushaba Salma : salmaboushaba@hotmail.com
- Elharti Houda : houda.elharti@hotmail.com
Citation
A rappeler pour tout usage : R. BEDNARSKI, S. BOUSHABA, H. ELHARTI, « Pertinence de choisir l’Usage Unique (DMSUU) ou l’Usage Multiple (DMSUM) pour les dispositifs médicaux stériles hospitaliers », Université de Technologie de Compiègne (France), Master Ingénierie de la Santé, Parcours Technologies Biomédicales et Territoires de Santé (TBTS) et Dispositifs Médicaux et Affaires Réglementaires (DMAR), Mémoire de Projet, réf n° IDS089, décembre 2020, https://travaux.master.utc.fr/formations-master/ingenierie-de-la-sante/ids086/.
Résumé
Ce mémoire d’intelligence méthodologique a été réalisé dans le cadre d’une unité d’enseignement nommée « Projet d’intégration » encadrée par l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) pour la filière ingénierie de la santé.
Tous les pharmaciens hospitaliers, étant confrontés au respect des grands principes du développement durable, se doivent de suivre une démarche d’achat éco responsable en intégrant des clauses environnementales dans le choix des dispositifs médicaux stériles.
Le projet consiste à étudier un ensemble de dispositifs médicaux stériles, comparer leurs deux modalités : l’usage unique et l’usage multiple, en évaluant l’impact environnemental et économique,et tirer par la suite des critères permettant au responsable de la pharmacie à usage intérieur à mettre en place une stratégie d’achat des dispositifs médicaux stériles réussie en termes de développement durable.
Pour cela, deux outils ont été réalisés :
- Un guide d’assistance au choix entre les deux modalités de dispositifs médicaux stériles, sous forme de cartographie interactive.
- Un outil numérique de comparaison, accompagnant le guide, qui permet d’y répertorier plusieurs informations quantitatives propres à chaque établissement de santé selon les thèmes du guide.
Abstract
This dissertation of methodological intelligence has been carried out within the framework of a teaching unit called "Integration Project" supervised by the University of Technology of Compiègne (UTC) for the health engineering field.
All hospital pharmacists, faced with the need to comply with the major principles of sustainable development, must follow an eco-responsible purchasing approach by integrating environmental clauses in the choice of sterile medical devices.
The project consists of studying a set of sterile medical devices, comparing their two modalities : single use and multiple use by evaluating the environmental and economic impact and then drawing up criteria enabling the person in charge of the indoor pharmacy to implement a successful purchasing strategy for sterile medical devices in terms of sustainable development. Two tools have been developed for this purpose :
- A guide to assist in the choice between the two sterile medical device modalities, in the form of interactive mapping.
- A comparison tool accompanying the guide, which lists several quantitative information specific to each health facility according to the themes of the guide.
Both tools aim to help hospital pharmacists make an eco-responsible purchase by considering a certain number of criteria and dimensions.
Téléchargements
Mémoire Complet :
Pertinence de choisir l’Usage Unique (DMSUU) ou l’Usage Multiple (DMSUM) pour les dispositifs médicaux stériles hospitaliers.
Introduction
Le développement durable est un développement qui répond aux besoins des générations du présent et sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ce concept récent, qui est apparu en 1980, n’a commencé à se frayer un chemin que depuis quelques années dans les établissements de santé, notamment dans les politiques hospitalières [1].
Les pharmacies à usage intérieur (PUI) sont très impliquées à ce titre surtout dans l’achat des dispositifs médicaux stériles qui présente plusieurs contraintes. Pour cela, les pharmaciens hospitaliers sont amenés à privilégier un type de dispositif médical stérile : usage unique ou usage multiple, ayant une incidence environnementale minime avec un meilleur coût.
La problématique qui se pose est alors : comment aider les pharmaciens à trouver des critères de choix entre l’usage unique et l’usage multiple pour faire un achat écoresponsable qui respecte les objectifs du développement durable.
Ce mémoire de projet sera en conséquence rédigé afin d’aider les pharmaciens à pouvoir considérer les piliers du développement durable dans leur stratégie d’achat des dispositifs médicaux stériles en se référant à un certain nombre de critères et de dimensions. Pour cela, un état de l’art d’un ensemble d’études faites sur l’usage unique et l’usage multiple du même dispositif médical stérile sera présenté avec :
- Un guide d’assistance au choix entre les deux modalités de dispositifs médicaux stériles pour intégrer une démarche éco responsable dans l’achat des dispositifs médicaux stériles, sous forme de cartographie interactive.
- Un outil numérique de comparaison entre les deux modalités des dispositifs médicaux stériles accompagnant le guide et permettant donc au pharmacien hospitalier d’inscrire des valeurs propres à son établissement concernant un dispositif médical pour aboutir par comparaison à un choix écoresponsable.
I. Contexte, enjeux et problématique du choix entre le dispositif médical stérile à usage unique et le dispositif médical stérile à usage multiple
1. Contexte
1.1. Le dispositif médical
Selon le règlement européen 2017/745, un dispositif médical est tout appareil, instrument, équipement, implant, réactif, logiciel ou tout autre article dont l’action principale désirée sur le corps humain n’est pas obtenue en utilisant des moyens immunologiques ou pharmacologique ni par métabolisme [2]. Ce dispositif est destiné à être utilisé seul ou en association chez l’homme pour des fins médicales de diagnostic, prévention, contrôle, atténuation d’une maladie, compensation d’une blessure, remplacement d’une structure ou d’un état physiologique ou bien une communication d’information par un examen in vitro d’échantillons provenant d’un corps humain [2].
Le secteur du dispositif médical se divise en deux grands secteurs, celui des DMDIV (diagnostic in vitro) et celui des DM qui à son tour se divise en deux catégories : les dispositifs médicaux non stériles et les dispositifs médicaux stériles qui font l’objet de cette étude (figure 1).
Figure 1 : Les dispositifs médicaux dans un milieu hospitalier, source [auteurs]
1.2. La stérilisation
La stérilisation est la mise en œuvre d’un ensemble de méthodes et de moyens visant l’élimination de tous les micro-organismes vivants portés par un objet parfaitement nettoyé [3]. Dans un établissement de santé, et selon l’article R 6111-19 du CSP, la stérilisation désigne l’ensemble des opérations qui permettent d’obtenir l’état de stérilité d’un dispositif médical et le maintien de cet état [4]. Donc, cette opération, rattachée à la pharmacie à usage intérieur (PUI), consiste à traiter un dispositif médical de telle sorte qu’il puisse être utilisé de façon sure chez le patient et le professionnel de santé sans leur induire un risque infectieux.
1.3. Le dispositif médical stérile « DMS »
Les dispositifs médicaux stériles sont des dispositifs qui ne contient pas de micro-organismes viables. Selon la norme EN 556-2, concernant les exigences relatives aux dispositifs médicaux soumis à un traitement aseptique, un produit est qualifié de « stérile » si la probabilité d’y trouver un germe viable est inférieure ou égale à 1 sur 106 [5].
Dans une structure hospitalière, les dispositifs médicaux stériles sont sous la responsabilité de la pharmacie à usage intérieur. Et, selon L5126-5-4 alinéa du CSP, la PUI se charge de la préparation, le contrôle, la détention et la dispensation des médicaments, ainsi que des dispositifs médicaux stériles, dans le respect des règles qui régissent le fonctionnement de l’établissement [4].
DMS selon la voie d’utilisation :
Les dispositifs médicaux stériles interviennent dans plusieurs actes médicaux et peuvent être utilisés dans différentes voies :
- Voie d’injection : Seringue, pousse seringue, aiguilles d’injection et de prélèvement,cathéters, lignes de perfusion, diffuseur, etc…
- Voie digestive : sonde d’aspiration, de lavage gastrique ou de nutrition, etc...
- Voie respiratoire : Sondes, canules, etc...
- Voie urinaire : Sondes vésicales
- Voie chirurgicale : Drains, ligatures, sutures… [6]
Classification des DMS
Historiquement, tous les dispositifs médicaux nécessitant d’être stériles, ont été fabriqués et destinés à une réutilisation après un processus de retraitement, mais, la considération des risques des maladies transmises par le sang et les risques de transmission nosocomiale par exemple, a favorisé l’utilisation d’une nouvelle catégorie : dispositifs médicaux stériles à usage unique, d’où l’accélération de fabrication de ce type de DM [7].
Pour cela, les dispositifs médicaux stériles comprennent :
- Les dispositifs médicaux stériles à usage unique (DMSUU) : Ils sont stérilisés par le fabricant et utilisables au cours d’une procédure unique puis sont éliminés (figure 2). Pour ce type le pharmacien est responsable du stockage jusqu’à la mise à disposition de l’utilisateur final.
Figure 2 : Cycle de vie d'un DMSUU, source [auteurs]
- Les dispositifs médicaux stériles à usage multiple (DMSUM) : Ils sont utilisés au cours de procédures multiples sous réserve d’être stérilisé entre les utilisations (figure 3).
Figure 3 : Cycle de vie d'un DMSUM, source [auteurs]
Le retraitement des DMSUM est un processus essentiel après chaque utilisation, il a le but d’éliminer tout risque d’infection pouvant menacer la sécurité du patient et du professionnel de santé lors de la réutilisation.
Déroulement du cycle de retraitement :
- Pré désinfection : Le premier traitement à effectuer, elle doit être réalisée le plus rapidement possible selon une procédure approuvée par le responsable qui assure la qualité, dans le but de diminuer le taux de germes et micro-organismes donc, la facilitation du nettoyage ultérieur et de protéger le personnel manipulant les instruments d’une contamination [8].
- Transfert en stérilisation : Consiste à transporter l’ensemble des DMSUM contaminés dans des bacs fermés tout en utilisant un matériel de protection pour manipuler les dispositifs contaminés.
- Réception : Pour les dispositifs qui nécessitent un démontage avant nettoyage, il faut que cela soit fait selon les instructions propres à chaque instrument [8].
- Nettoyage/désinfection : Une étape cruciale avant le conditionnement, elle a le but d’éliminer les salissures par l’action physico-chimique d’un produit adapté accompagnée d’une action mécanique. L’ensemble des opérations faites dans cette étape doivent être compatibles avec le dispositif médical pour ne pas l’endommager [8].
- Contrôle : Après le nettoyage, il est nécessaire d'inspecter visuellement la propreté des composants et du dispositif réassemblé, et s'assurer qu'il n'y aura pas de détérioration qui pourra affecter sa sécurité, son intégrité ou son fonctionnement normal [8].
- Conditionnement : Dans le but de la protection des dispositifs médicales stériles de toute contamination possible [8].
- Stérilisation : Elle se fait en fonction de la nature du dispositif et des recommandations du fabricant [8].
- Stockage : Dans une salle / zone de stockage dédiée au dispositif médical stérile, séparée du stockage des fournitures non stériles. Cette séparation permet de faire la distinction entre les DM stériles prêts à être distribués et les DM en attente de libération pour éviter toute confusion [8].
1.4. Le développement durable
Le développement durable est un développement qui répond aux besoins des générations du présent et sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.
D'un point de vue environnemental, l'objectif du développement durable est de préserver, et améliorer pendant longtemps l'environnement et les ressources naturelles, ce qui est donc bénéfique pour les générations présentes et futures. Cela doit prendre en compte l'utilisation et la gestion durable des ressources naturelles (air, eau, sol, vie), maintenir le principal équilibre naturel (équilibre climatique, biodiversité, forêts, océans, etc.) et contrôler les ressources naturelles et conserver les ressources non renouvelables (comme le charbon, le pétrole, les minéraux, etc.), tout cela nécessite en particulier une bonne gestion des risques [9].
Le pilier social du développement durable vise la cohésion sociale et le respect des droits fondamentaux et prend en compte la santé de la population, l'équité sociale, et le progrès. Il doit favoriser l'accès à l'alimentation, à l'éducation, aux soins de santé, etc., pour répondre aux besoins fondamentaux de la population, lutter contre toutes les formes d'exclusion (sociale, professionnelle, etc.), stabiliser la croissance démographique et contrôler la croissance urbaine et les flux migratoires [9].
Les facteurs économiques visent à générer des profits. Cela inclut la croissance, la création de richesse pour tous grâce à des modes de production et de consommation durables. Le développement durable dépend du développement économique de l'environnement naturel qui respecte les ressources de base, comme la promotion du commerce équitable et du tourisme solidaire en modifiant les relations économiques internationales [9].
1.5. Analyse de cycle de vie
L’analyse de cycle de vie (ACV) est un outil de développement durable ; elle traite le versant environnemental et, rarement le versant économique, du développement durable [10]. D’après la norme NF EN ISO 14040/A1 relative au management environnemental, l’ACV est une « compilation et évaluation des intrants, des extrants et des impacts environnementaux potentiels d’un système de produits tout en long de son cycle de vie » [11]. Elle permet de mesurer l'impact d'un produit ou d'un service sur l’environnement, en quantifiant les flux physiques de matière et d'énergie liés aux activités
humaines tout au long du cycle de vie d'un produit, et interprétant les résultats obtenus en fonction de ses objectifs d'origine [10].
Aussi, l’ACV est un outil normalisé d’aide à la décision, parce qu’elle présente une perspective globale montrant l'impact environnemental du produit. En effet, en utilisant l’ACV, on pourra comparer deux produits ayant la même fonction ; elle permet par exemple d’évaluer et de comparer les impacts de l’usage unique par rapport à l’usage multiple pour un même produit. Son avantage réside dans le fait de restaurer la complexité de l'environnement et d'éviter de faire des choix qui peuvent conduire à une dégradation inconsidérée de l'environnement ou à un transfert d'impacts d’une phase du cycle de vie à une autre [10].
Sa robustesse repose sur une double approche, approche cycle de vie et approche en « flux » ou multicritères :
Approche “cycle de vie”
Que ce soit un procédé, un service ou un bien, toutes les étapes du cycle de vie d’un produit par exemple sont prises en compte pour l’inventaire des flux ; cet inventaire concerne toutes les étapes à partir de l'extraction des matières premières (énergétiques et/ou non énergétiques) nécessaires à la fabrication du produit, transport, distribution, utilisation jusqu’à la collecte et l’élimination vers les filières de fin de vie [10].
Approche “multicritère”
L'ACV s'appuie sur plusieurs critères d'analyse des flux entrants et sortants (figure 4) . Le « flux » désigne tout ce qui entre dans la fabrication des produits et tout ce qui sort en termes de pollution. Par exemple, les entrées sont des ressources énergétiques et de matière : fer, eau, pétrole, gaz naturel et les sorties peuvent correspondre à des déchets, des émissions gazeuses, des émissions liquides [10].
Figure 4 : Le cadre de l'ACV, source [auteurs]
1.6. L’achat des dispositifs médicaux stériles
Achat des dispositifs médicaux
Selon l’article 1582 du code civil, l’achat est défini comme le contrat par lequel un fournisseur d’un dispositif médical que ce soit le fabricant, le distributeur ou le mandataire, transfère la propriété du DM à l’acheteur (directeur ou son délégataire d’établissement) contre un prix [12]. Pratiquement, le contrat d'achat est signé après le bon de réception du DM émis par le livreur ou le transporteur.
Achat Hospitalier des DMS
Dans un centre hospitalier, la pharmacie à usage intérieur est chargée de l’achat de tout ce qui est usage unique ou multiple des dispositifs médicaux stériles.
Selon L'article L. 5126-5 du CSP, le pharmacien est responsable de la gérance d’une pharmacie à usage intérieur. Il prend la responsabilité du respect des dispositions en relation avec l’activité pharmaceutique, il doit notamment assurer l’approvisionnement, la gestion, la préparation, la détention, le contrôle, la dispensation et la qualité des médicaments, produits et dispositifs médicaux stériles [4]. Il en résulte donc que le pharmacien est l’un des acteurs majeurs en termes de définition du besoin pour l’achat des produits du domaine pharmaceutique (dispositif médical stérile, médicaments et gaz médicaux) dans un établissement de santé.
La contrôle et la maîtrise des achats de dispositifs médicaux stériles est un élément très important pour la politique d’achat d’un établissement de santé, tous les leviers de la performance : la qualité et la réduction du coût, doivent être présents, actionnés et évalués. Cette évaluation de performance de la démarche d'achat nécessite un dialogue entre, pharmaciens, responsable achats, professionnels et soignants.
Lorsque l’achat hospitalier est inscrit dans une démarche de développement durable, en mettant en application ses principes, il est dit ‘achat écoresponsable’.
2. Les enjeux du choix entre dispositif médical stérile à usage unique (DMSUU) et dispositif médical stérile à usage multiple (DMSUM)
2.1. Enjeux environnementaux
Choisir entre les DMSUU et les DMSUM est désormais une problématique qui présente des enjeux environnementaux. Ces derniers diffèrent d’une vision à une autre selon l’évaluation des impacts environnementaux de chaque type de dispositif médical stérile.
En effet, lorsque l’utilisation des DMSUU augmente, cela présente une incidence négative sur l’environnement en mesurant les ressources nécessaires pour la fabrication des matières premières, la conception des dispositifs et leur transport du lieu d’origine (fabricant ou détaillant) vers l’utilisateur final. Aussi, l’usage croissant d’un nombre important de dispositifs médicaux stériles à usage unique augmente d’autant la quantité des déchets à traiter, dans le circuit des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI), ce qui peut avoir un impact environnemental.
Les DMSUM aussi nécessitent un retraitement après chaque utilisation, et cela a des effets néfastes sur l’environnement parce que d’une part, les étapes de désinfection, de nettoyage et de stérilisation nécessitent des ressources importantes et donc, impliquent une consommation d’énergie remarquable (électricité, eau, etc.), et d’autre part, l’utilisation des produits chimiques et le reconditionnement des dispositifs stériles retraités ont un impact direct sur la qualité de l’environnement.
De ce fait, l’enjeu majeur la problématique du choix entre l’usage unique et l’usage multiple est de pouvoir identifier le type de DMS qui aura un impact minime sur l’environnement et pour mieux faire face à l’accroissement des populations, l’épuisement des ressources naturelles et l’augmentation de leur consommation.
2.2. Enjeux réglementaires
Les DMS doivent comporter le marquage CE, il s’agit d’une garantie de conformité aux exigences essentielles [2]. Le fabricant se doit donc d’accompagner son produit d’une notice explicative traitant de l’entretien et la maintenance pour les DMSUM selon la norme NF EN ISO 17664 v2017 et d’une date de limite d’utilisation et de condition de stockage pour les DMSUU [13
]. Il faut également mentionner que ces dispositifs médicaux sont souvent au contact de milieu potentiellement pathogènes et doivent par conséquent respecter les conditions spécifiques d’élimination des DASRI [4]. Dans le cadre de l’obtention de la qualification « stérile » par la norme EN 556-2, les deux modalités diffèrent significativement :
- Les DMSUM ont un processus de stérilisation sous la responsabilité de la PUI. En effet, l’article R 6111-19 du C.S.P renvoie à l’application des bonnes pratiques de pharmacie hospitalière (BPPH) qui regroupe dans un document les exigences pour assurer la qualité de la stérilisation [14]. Aussi, le code de la santé publique exige la mise en place d’un système qualité assurant le processus de stérilisation. C’est pourquoi le service de stérilisation du CH de Compiègne a choisi d’être certifier ISO 9001. Cela concerne les étapes de prétraitement, la maintenance, le conditionnement et la stérilisation des DMS.
- En ce qui concerne les DMSUU, la charge réglementaire est diminuée pour la PUI. La stérilité du dispositif est assurée par le fabricant (marquage CE) et le protocole de stockage ne nécessite pas le développement d’un système qualité.
Les exigences réglementaires sont importantes pour la gestion du cycle de vie de l’usage unique et l’usage multiple au sein de la PUI. L’enjeu est ici d’optimiser les exigences déjà en place au sein de la PUI et de profiter de l’allégement réglementaire des DMSUU pour ceux qui demanderaient trop de contraintes. Cependant, mise à part certains guides sur les risques infectieux et la circulaire n° DGS/5C/DHOS/E2/2001/138 du 14 mars 2001, il n’y a pas de réglementation obligeant le choix de l’une ou l’autre des modalités.
2.3. Enjeux économiques
Les enjeux relatifs au choix entre l’usage unique et l’usage multiple sont à propos de l’achat. En effet, il faut non seulement atteindre un équilibre entre les préoccupations économiques et le besoin en termes de dispositifs médicaux stériles, mais aussi mener une politique d’achat ambitieuse permettant de préserver la flexibilité financière et la disponibilité du stock. Tout cela rend complexe vu les charges relatives à chaque type de dispositif médical stérile.
Pour les DMSUU par exemple, leur élimination après l’utilisation augmente le volume des déchets de l’établissement de santé, d’où le besoin à des unités de transport et à des protocoles d’incinération pour tout ce qui provient du bloc opératoire, tout cela s’inscrit dans la filière d’élimination qui est désormais très coûteuse.
Du côté DMSUM, la stérilisation, qui fait partie du processus du retraitement, consomme de l'eau et de l'énergie et cela se traduit principalement en termes des ressources financières. Aussi, pour continuer à garantir un haut niveau d’hygiène, il faut investir dans la mise aux normes et le
regroupement des unités de stérilisation ce qui engage un coût très important aux établissements de santé. L’enjeu principal est donc d’arriver à évaluer le coût total de la stratégie d’achat des DMSUU et DMSUM pour pouvoir faire le meilleur choix dans différentes situations.
3. Problématique
Le développement durable est de plus en plus l’un des critères d’appréciation et de pondération dans la stratégie d’achat hospitalier. Pour cela, la volonté d’inscrire les hôpitaux dans une démarche de développement durable poussent les professionnels à se questionner sur le choix le plus pertinent entre l’usage unique et l’usage multiple. L’acheteur plus précisément, cherche à traduire ses attentes en termes de développement durable et donc prendre en compte ses objectifs à tous les stades de la procédure d’achat, mais il lui faut des critères à considérer dans son choix. Pour cela, il serait intéressant de chercher s’ils existent des indicateurs permettant d’évaluer et quantifier les impacts environnementaux et financiers de chaque type de DMS et, produire un outil décisionnel multicritères permettant d’orienter le choix du responsable de la PUI, qui représente l’acteur principal dans la procédure d’achat des DMS.
II. Étude de cas concrets comparant les types de dispositifs médicaux stériles
La détermination de critères de choix entre le dispositif médical à usage unique et le dispositif médical à usage multiple nécessite l’étude de cas concrets impliquant le choix entre type en particulier existant sous les deux modalités. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d’éléments de comparaison comme l’impact carbone équivalent au rejet de CO2 et la consommation des ressources naturelles pour les enjeux environnementaux et le coût pour les enjeux économiques. Évidemment, il est important que les deux modalités soient équivalentes sur le plan thérapeutique et sécuritaire.
Dans cette partie, les deux modalités des endoscopes bronchiques, des masques laryngés, des lames de scie utilisées en chirurgie orthopédique et des laryngoscopes seront traitées.
1. Études sur le plan économique
Étude 1 : Comparaison du coût d’acquisition des fibroscopes/endoscopes bronchiques à usage unique et à usage multiple
Une étude a été réalisé par les responsables des services : biomédical, pharmacie et hygiène hospitalière du centre hospitalier d’Ardèche-Nord pour comparer les coûts de l’usage unique et l’usage multiple pour une utilisation habituelle des endoscopes pendant 5 ans, en parallèle, une autre comparaison a été réalisée en période nuit, week-end et jours fériés, afin d’estimer le surcoût engendré par le référencement de fibroscope à usage unique, dans un contexte d’utilisation en urgence, en plus des fibroscopes à usage multiple utilisés par l’hôpital [15] .
Les coûts de gestion des fibroscopes à usage multiple comprennent [15] :
- Le prix d’achat amorti sur 5 ans.
- Les dépenses liées aux contrôles microbiologiques.
- Les dépenses liées au temps agent.
- Les dépenses de réparation, d’entretien, et d’élimination des déchets.
- Pour ce qui est gestion des fibroscopes à usage unique sur une période de 5 ans, le coût du fibroscope correspond au [15]:
- Prix d’achat proposé par le fournisseur ;
- Prix d’élimination après utilisation.
Une étude prévisionnelle des coûts a été menée sur 5 ans dans le centre hospitalier d’Ardèche- Nord afin de comparer l’usage unique et l’usage multiple, le CH a estimé que 60 actes d’endoscopie bronchique sont réalisés chaque année : activité habituelle de l’hôpital [15].
Résultats de l’étude
Tableau 1 : Comparaison des coûts globaux des fibroscopes à usage unique et usage multiple en activité habituelle [15].
D’après cette étude, les fibroscopes à usage unique sont plus coûteux que les fibroscopes à usage multiple.
- Le coût d’utilisation des fibroscopes à usage multiple est égal à 62511€.
- Le coût d’utilisation des fibroscopes à usage unique est égal à 79200€.
Une deuxième étude a été faite dans le même centre hospitalier afin de comparer l’usage multiple et l’usage multiple lors des périodes nuits, week-end et jours fériées, ce qui correspond à 25% de l’activité habituelle, pendant 5 ans. Les responsables ont estimé que 15 fibroscopies sont réalisées par an [15].
Sur cette base, le tableau 2 présente une comparaison des coûts des fibroscopes à usage unique et ceux à usage multiple :
Tableau 2 : Estimation des coûts d’utilisation des fibroscopes à UU et à UM en période nuit, week-end et jour férié [15]
Conclusion
Il a été donc démontré que les fibroscopes à Usage Unique (UU) étaient plus rentables pour de faibles utilisations. Par contre, d’après les études, au-delà de 200 intubations par an, le fibroscope à Usage Multiple (UM) est plus rentable [15].
Étude 2 : Étude médico-économique des fibroscopes à usage multiple versus usage unique dans un service de réanimation
Suite à la mise sur marché des endoscopes bronchiques à usage unique et la nécessité de renouvellement de ces endoscopes en réanimation, la pharmacie de CH des Deux Vallées a réalisé une analyse comparative des coûts d’acquisition de l’usage multiple et de l’usage unique [16].
Le coût de l’usage multiple (TTC), pour cette étude, comprend l’amortissement du dispositif médical, la maintenance et les coûts de traitement de l’endoscope incluant le temps de personnel. Alors que, l’acquisition de l’usage unique comprend le prix d’achat et le coût des déchets (TTC) [16].
Les responsables ont estimé que 50 fibroscopies bronchiques sont réalisées au sein du CH des Deux Vallées annuellement [16].
Résultats de l'étude
Tableau 3 :Étude comparative des coûts des fibroscopes bronchiques à usage unique et à usage multiple [16].
Conclusion
Pour le cas des endoscopes bronchiques utilisés en réanimation, l’usage unique est plus coûteux que l’usage multiple d’un seul fibroscope, du fait du surcoût de 1400 € qu’il engendre [16]. D’un autre côté, l’utilisation d’endoscopes à usage multiple nécessite l’acquisition d’au moins deux autres endoscopes en stock pour garantir la disponibilité permanente du dispositif, vu qu’il constitue un outil indispensable dans le service de réanimation, et cela entraîne un surcoût significatif égale à 5932 €, par rapport à l’usage unique [16].
D’après ce qui précède, et en prenant en compte le gain du temps pour le personnel notamment l’infirmier et les contraintes liées aux traitements avec la persistance d’un risque infectieux, le service pharmacie du CH des Deux Vallée a privilégié l’usage unique [16].
Étude 3 : Étude médico-économique pour le choix entre un masque laryngé réutilisable et masque à usage unique
Les masques laryngés, en contact avec les formations lymphoïdes sont des dispositifs à risque pour les agents transmissibles non conventionnels et les prions. Face à ce risque, l’utilisation du masque laryngé à usage unique peut être une stratégie alternative des masques réutilisables [17].
En 2004, dans un contexte général de l’évaluation pharmaco économique des dispositifs médicaux dans le monde, un centre hospitalier universitaire, possédant deux sites de stérilisation, a mené une étude comparative sur le coût des masques laryngés à usage unique par rapport aux masques réutilisables [17]. Pour réaliser cette étude, il était indispensable de s’assurer de l’absence de différence d’efficacité entre les masques laryngé à usage unique et ceux à usage multiple. Dans ce contexte, des études ont démontré que les différentes caractéristiques techniques du dispositif médical jetable (, flexibilité tube, souplesse bourrelet facilité d’insertion, précision du gonflage, étanchéité du masque, gain de temps, souplesse, confort du patient) sont identiques à celles d’un masque réutilisable [17].
Résultats et Analyse
Masque laryngé à usage multiple :
- Au cours de l’année 2004, 266 masques réutilisables ont été stérilisés sur le premier site et 325 sur le second site [17].
- Le prix d’achat de ces masques est de 216,83€/unité, ils sont utilisables 40 fois.
- Le prix correspondant à chaque utilisation est 5,42€ [17].
- Pour le premier site de stérilisation du CHU, le coût d’utilisation d’un masque laryngé à usage multiple a été de 9,59 €, et de 9,69 € pour le deuxième site [17].
Tableau 4 : Coût global d'un masque laryngé [17]
Tableau 5 : Coût global de la stérilisation d'un masque laryngé [17]
Le Tableau 5 précise la répartition des différents postes de dépenses dans le coût de la stérilisation dans les deux sites.
Masque laryngé à usage unique :
- Le tableau 6 présente une estimation du coût global d’utilisation d’un masque laryngé à usage unique à partir de son coût d’élimination et son prix d’achat.
- Le coût d’élimination d’une tonne de déchets des masques est égal à 280 €, donc pour ce masque laryngé qui pèse 42g , le coût d’élimination est de 0,01 € par masque [17].
Tableau 6 : Coût d’utilisation des masques à usage unique [16].
Conclusion
D’une part, cette étude a démontré que le coût des masques laryngés à usage unique est faible par rapport au réutilisables, d’autre part, des études cliniques ont démontré que malgré le protocole de nettoyage rigoureux, des dépôts protéiques résiduels peuvent persister sur les masques laryngés réutilisables alors que le masque laryngé à usage unique préviendrait le risque d’infections [17].
Certes le gain annuel est faible, mais en prenant en compte aussi les exigences d’efficacité et de sécurité, l’usage unique a été favorisé par les responsables de ce CHU [17].
2. Études comportant des arguments environnementaux
Étude 4 : Le développement durable au bloc opératoire
Dans le cadre du bloc opératoire, une multitude de questions se posent en relation avec le recours ou non de l’usage unique. Pour cela, différentes études ont été menées par un certain nombre d’établissements de santé dans le but d’évaluer l’usage multiple et l’usage unique des DMS au bloc opératoire sur différentes dimensions.
Sur le plan environnemental :
- L’intervention chirurgicale produit une quantité de déchets solides considérable (emballage, lames de laryngoscopes, seringues, etc…), ce qui nécessite un traitement et une élimination dans le but de diminuer l’empreinte écologique. Pour réduire la quantité de ces déchets, il faut identifier les éléments qui contribuent à leur surproduction. Parmi les causes de cette surproduction : les emballages en plastique et en papier utilisés pour assurer la stérilité du dispositif médical, qui représente 19% des déchets [18].
- Une expérience en Australie portant sur la conversion d’un dispositif médical stérile à usage unique à un dispositif médical stérile réutilisable en anesthésie dans 6 salles d’opération, a démontré que l’usage unique engendre une augmentation de 9% des émissions de CO2 [19].
Les résultats de cette étude ont été apportés par l’auteur à des modèles européens et ils ont prouvé que le recours au réutilisable dans un hôpital entraîne une réduction de 84% des émissions de CO2 [19].
- Une analyse de cycle de vie selon la norme ISO 14044 relative au management environnemental, faite par le fabricant des implants orthopédiques et des instruments de neurochirurgie « MEDACTA », axée sur les impacts environnementaux d’un kit d’instruments chirurgicaux à usage unique par rapport à un kit d’instruments chirurgicaux à usage multiple a relevé les résultats suivants :
- L’effet carbone des instruments jetables est neutre par rapport aux émissions annuelles de carbone des instruments réutilisables ;
- Les stérilisations et les lavages des instruments réutilisables nécessitent une quantité d’eau égale à 435L d’eau par intervention chirurgicale, et puisque l’usage unique élimine la nécessité de ces deux opérations, une économie d’eau est alors réalisée [20].
Étude 5 : Remplacement des lames de scie à usage unique par des lames de scie réutilisables
Dans le but de réduire les dépenses relatives à l’achat des lames de scie à usage unique utilisés pour la chirurgie orthopédique et la gestion onéreuse de leurs déchets, le CHU de Nantes a fait appel à un partenariat avec un fabricant d’instruments consommables dédiés aux moteurs chirurgicaux « KOMET MEDICAL » [21].
Jusqu’en 2005, le CHU achetait 900 lames de scie à usage unique par an et il devait gérer à la fois leur stock pour veiller à leur utilisation avant la date limite de péremption et leur élimination après chaque utilisation via la filière des DASRI coûteuse vu les contraintes de sécurité auxquelles elle est soumise [21].
Avant de lancer l’appel d’offres pour la réorientation vers l’usage multiple, une étude a été faite et elle a montré que la majorité des lames à usage unique sont opérationnelles après la première utilisation. En outre, ces instruments chirurgicaux ne présentent pas de difficultés relatives au nettoyage.
Résultats
- Les lames de scie à usage multiple achetées du fabricant KOMET sont 30 à 40% plus chères que les lames jetables mais, elles sont réutilisables 3 fois sans perdre leur pouvoir de coupe ;
- Le CHU a économisé 40% à 50% des dépenses liées aux lames sur une période d’un an ;
- La production des DASRI a été diminué ;
- Réduction des coûts administratifs à travers la diminution du nombre des bons de commande ;
- Diminution des coûts liés à la gestion des stocks [21].
Selon une étude d’analyse du cycle de vie (ACV) réalisée par un bureau de conseil « EVEA » expert dans l’écoconception et les ACV ce recours à l’usage multiple a permis de diminuer l’effet sur le réchauffement climatique : Moins 1.6Kg équivalent CO2/Lame [21].
Le tableau 7 représente une comparaison entre l’utilisation des lames à usage multiple et leslames jetables selon une approche chronologique :
Tableau 7 : Comparaison des contraintes selon le type de lames, source [auteurs]
Conclusion
Cette étude a montré que le recours aux lames réutilisables génère des profits économiques et environnementaux. En effet, grâce à ce partenariat, le CHU a pu réduire la quantité des déchets tout en respectant la réglementation, également il a réduit les dépenses relatives à l’achat des lames de scie jetables et au traitement des déchets.
Étude 6 : Bilan carbone d’une unité de stérilisation
L’apparition de l’obligation réglementaire dans l’article 75 de la loi Grenelle II de juillet 2010, qui a déclaré la nécessité d’établir un bilan des émissions des gaz à effet de serre : Bilan carbone, par tous les centres hospitaliers, avait l'objectif de définir les principales et différentes activités hospitalières émettrices de Gaz à effet de Serre GES. Et cela, dans le but de trouver des solutions limitant ces émissions. Certes, cette mesure est une obligation pour tous les hôpitaux mais, elle ne se réalise pas encore au sein des différents services de soins et cela implique le non répertoriage des activités génératrices de Gaz à Effet de Serre (GES) [22].
Dans ce cadre, une étude a été faite, son but est de proposer une méthode pour calculer le bilan carbone de l’unité de stérilisation et ainsi proposer des solutions en faveur de la réduction des émissions de ces gaz d’impact néfaste sur l’environnement. Cette étude touche dans une grande partie les dispositifs médicaux stériles à usage multiple puisqu’ils nécessitent tout un processus de stérilisation après chaque utilisation [22].
Ce travail a été réalisé autour des 3 axes principaux : L’environnement, le matériel nécessaire à l’activité et le personnel :
Environnement : En ce qui concerne la catégorie environnement, une première partie de l’étude a été consacrée aux déchets. Dans cette partie, les quantités des déchets assimilés à des ordures ménagères incinérés (DAOMI) et des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI), ont été pesées et rapportées à une année d’activité. En plus, une étude a été faite sur le volume des produits détergents utilisés lors du cycle de lavage et sur le volume d’effluents concernant le retraitement des eaux rejetées par unité de stérilisation[22].
Aussi, dans le même contexte, la consommation de l’eau courante dans le service de stérilisation a été mesurée en se référant aux valeurs du compteur d’eau de l’unité de stérilisation sur une période d’un mois puis les extrapoler à un an. A la fin, un référencement aux données du fabricant des laveurs désinfecteurs d’instruments (LDI), des cabines de lavage et des autoclaves, était nécessaire pour calculer leur consommation énergétique et la rapporter au nombre de cycles effectués par an[22].
Matériel : Pour calculer l’impact carbone du matériel utilisé dans l’activité de stérilisation, deux facteurs ont été sélectionnés. D’une part, les consommables du service de stérilisation représentant le volume le plus important : les emballages de protection (gaines, sachets, feuille de pliage) et les emballages primaires jouant le rôle de barrière stérile et, pour pouvoir déterminer l’empreinte carbone de ces produits et avoir des chiffres exactes une prise de contact avec leurs fournisseurs a été faite. D’une autre part, l’impact carbone dû à la maintenance des équipements de stérilisation : 6 laveurs désinfecteurs, 6 autoclaves, 2 cabines de lavage, 12 paniers [22]. A la fin, le montant consacré pour ces prestations a été rapproché à la valeur du facteur de génération de carbone correspondant.
Personnel : Pour mesurer l’effet carbone en rapport avec le personnel, la dimension de transport était la seule dimension prise en compte et cela en calculant les émissions carbones qui correspondent à chaque trajet aller-retour en transport commun ou en voiture du personnel de l’unité de stérilisation[22].
Résultats
Pour exploiter les données collectées, un facteur d’émission carbone a été attribué et associé à chaque sous-catégorie étudiée. Le répertoriage de chaque facteur d’émission en fonction des catégories a été élaboré par la grille de collecte pour la réalisation du bilan carbone des hôpitaux de l’AP-HP et qui a été créé à partir du bilan carbone développé par l’agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) [22].
Analyse
Tableau 8 : Bilan carbone de l'unité de stérilisation [26]
La méthodologie utilisée dans cette étude a montré que :
- Les premiers postes émetteurs des GES : 75% des émissions carbone, sont en rapport avec la consommation énergétique et la consommation d’eau.
- La maintenance des équipements de stérilisation est en faveur de 18% de ces émissions.
- Les consommables de l’activité de stérilisation ont un impact carbone difficile à estimer faute d’informations suffisantes de la part des fournisseurs.
- Les différents types de déchets sont responsables de 3.5% d’émissions.
- Le transport du personnel a un impact carbone mineur estimé à 3%.
Conclusion
Le bilan des gaz à effet de serre constitue un indicateur de suivi important dans l’amélioration de l’empreinte écologique des établissements de soins et plusieurs travaux peut être élaborés sur la base de cette étude notamment pour comparer l’impact environnemental lié à l’utilisation des dispositifs médicaux stériles à usage unique et les dispositifs médicaux stériles à usage multiple qui nécessitent en particulier une stérilisation durant leur cycle de vie.
Étude 7 : Comparaison de trois types de laryngoscopes selon le coût et les outils de l’analyse du cycle de vie
Une équipe associée au département d’anesthésie de l’université de médecine de Yale aux Etats- Unis a réalisé une étude comparative utilisant une méthode d’analyse du cycle de vie. Cette étude montre des comparaisons quantitatives précises en tenant compte de plusieurs étapes du cycle de vie des dispositifs. L’objectif de leur travail était de comparer de façon exhaustive l’impact environnemental et économique de l’utilisation d’un laryngoscope réutilisable, à usage unique en plastique ou en métal [23].
Résultats et analyse
La comparaison entre les trois laryngoscopes (figure 5) donne des résultats très différents notamment entre les deux usages ; l’usage multiple face à l’usage unique. A noter que, l’usage unique en métal n’a pas pu être comparable sur le plan économique lors de la réalisation de cette étude car il n’était plus en vente [23].
Figure 5 : Graphiques de comparaison des impacts économiques et environnementaux en fonction du type de laryngoscope, source [auteurs]
L’établissement de Yale utilise très régulièrement les laryngoscopes réutilisables en routine et ils nécessitent peu d’entretien :
- Un changement de fibre optique toutes les 500 utilisations.
- Un changement de piles toutes les 40 utilisations.
- Une durée de vie estimée à 4000 utilisations.
- Le laryngoscope réutilisable est peu sujet à la casse en plus d’être durable [23].
Le fait que celui-ci soit utilisé très longtemps lui donne un avantage non négligeable face à l’usage unique : sa production, son transport et son recyclage parmi les étapes de son cycle de vie deviennent quasi-négligeables [23]. En effet, durant son cycle de vie, l’impact majeur du dispositif sera ses retraitements et surtout les stérilisations. Ainsi lorsque l’on ramène son impact global par utilisation, seule la stérilisation lors du retraitement a un réel impact.
Concernant les laryngoscopes à usage unique :
- La poignée contient une quantité importante de matière première, forcément aboutissant à un impact environnemental plus important pour l’usage unique [23].
- Le laryngoscope à usage unique en métal débute son cycle de vie avec un handicap : son impact environnemental dû aux matières premières est élevé de celui de l’usage unique en polycarbonate [23].
- Le laryngoscope à usage unique en métal n’est pas réutilisé et le protocole de retraitement de l’usage multiple est bien plus faible en émission que la fabrication du laryngoscope en lui- même.
- Le laryngoscope en polycarbonate permet la réduction drastique des effets carcinogènes sur l’humain par rapport au laryngoscope réutilisable en métal [23].
Malgré ce point, comme dit précédemment, la durabilité du laryngoscope à usage multiple rend négligeable son impact environnemental et économique à la fabrication, au transport et à son recyclage puisque la comparaison se fait « par utilisation ».
Sur le graphique ci-dessous (figure 6), les bilans carbones des deux laryngoscopes à usage unique sont les mêmes pour chaque utilisation à cause de leur caractère à usage unique et s’ajoutent consécutivement à chaque utilisation. Cependant, pour la modalité usage multiple, l’impact carbone augmente de façon beaucoup plus lente.
En effet, si on reprend les valeurs de l’étude réalisée, il est possible de calculer le bilan carbone en fonction du nombre d’usage de la façon suivante :
- Bilan carbone initial du DMS (achat, transport …) ainsi que le bilan carbone de recyclage auxquels il est ajouté le bilan carbone de retraitement (dont la stérilisation) multiplié par le nombre d’utilisation pour l’usage multiple.
- Bilan carbone initial du DMS multiplié par le nombre d’utilisation pour l’usage unique.
Ainsi, à chaque utilisation le laryngoscope à usage multiple limite son impact en carbone à une augmentation de 450 g de CO2. Tandis que, les laryngoscopes à usage unique doublent leur impact en carbone après chaque utilisation.
A partir de la quatrième utilisation sur cette estimation (figure 6), le laryngoscope à usage multiple est meilleur pour l’environnement que ceux à usage unique.
L’étude traitée ci-dessous (figure 6) a été réalisée selon des valeurs de pollutions américaines. Les résultats de cette étude montrent que le laryngoscope réutilisable est meilleur pour l’environnement et l’économie.
Figure 6 : Graphique d'estimation du bilan carbone selon la modalité en fonction du nombre d'utilisations, source [auteurs]
Cependant grâce aux éléments disponibles en France, il est possible d’estimer le bilan carbone par utilisation du même laryngoscope selon le bilan de carbone du service de stérilisation cité précédemment. L’étude américaine obtient, par stérilisation, un bilan carbone de 450g de CO2. On peut estimer avec des valeurs françaises la même stérilisation en prenant comme base 30 points S à partir de la documentation de la SF2S (deux stérilisations à destination du bloc opératoire) nécessaire au retraitement du laryngoscope [24]. En croisant les données de l’étude précédente avec la documentation de la SF2S ainsi que la valeur d’un point S du bilan carbone de l’unité de stérilisation (12g de CO2) on obtient : 360g de CO2 [22] [23].
Le bilan français demande également l’ajout des rejets carbone du changement des deux piles alcalines (toutes les 40 utilisations) ainsi que du changement de la fibre optique (toutes les 500 utilisations).
Tableau 9 : Différence dans la méthode de calcul du bilan carbone selon la modalité, source [auteurs]
La différence principale à prendre en compte pour rendre comparable les bilans carbones de deux dispositifs médicaux stériles à usage unique et à usage multiple est de ramener les valeurs du bilan carbone « par utilisation ».
Conclusion
Un bilan carbone des étapes du cycle de vie permet de comparer l’impact environnemental d’un DMS. Dans cette étude, le DMS à usage multiple obtient des résultats favorables sur le plan environnemental et économique.
Conclusion générale des études :
A travers cet état d’art, il a été remarqué que le choix entre l’usage unique et l’usage multiple du même dispositif médical stérile doit faire l’objet d’une comparaison sur le plan économique et environnemental. Cette comparaison doit prendre en compte un ensemble de critères qui nécessitent une évaluation :
- Gain économique.
- Emission des gaz à effet de serre.
- La quantité des déchets générée.
- Le taux d’utilisation de chaque type de DMS.
- La persistance du risque infectieux.
- L’opérationnalité du dispositif après la première utilisation.
III. Outils d’aide à la décision à l’attention des pharmaciens hospitaliers
La mise en application des principes du développement durable peut s’avérer difficile dans le domaine des achats publics des dispositifs médicaux, alors pour aider les établissements de soin en général et les pharmaciens hospitaliers en particulier dans l’intégration d’une démarche écoresponsable dans l’achat des dispositifs médicaux stériles à usage unique (DMSUU) et les dispositifs médicaux stériles à usage multiple (DMSUM), deux outils d’aide ont été élaboré.
1. Guide d’assistance au choix : cartographie interactive
Le premier outil est un guide d’assistance présenté sous forme d’une cartographie interactive décrivant un ensemble de critères à prendre en compte, sur le plan économique et environnemental, dans la stratégie d’achat pour faire le choix convenable entre l’usage unique et l’usage multiple. Ces critères sont définis pour sept dimensions de choix : « Impact de l’activité professionnelle, Gestion des DASRI, fabrication, transport, contraintes liées au stockage, stérilisation et retraitement » et sont introduits dans la cartographie sous forme d’un plan d’action à mener par le pharmacien hospitalier, lui permettant de privilégier un type de dispositif médical stérile selon l’activité et les pratiques de l’hôpital.
Pour réaliser cette cartographie, il a fallu premièrement organiser, schématiser, designer et structurer les différentes interfaces de l’outil sur un fichier Powerpoint, puis intégrer des liens hypertextes pour le rendre interactif et donc pouvoir naviguer librement dans l’outil.
Le mode d’emploi permet de comprendre le fonctionnement et facilite la manipulation de l’outil, il est présenté par l’interrogation bleue dans la page d’accueil, par exemple pour passer aux interfaces qui suivent, il suffit de cliquer sur les flèches rouges.
Figure 7:Interface d'accueil de la cartographie, source [auteurs]
La figure ci-dessous (figure 8) présente les différentes dimensions à considérer pour faire le choix entre l’usage unique et l’usage multiple.
Les flèches bleues sont utilisées pour les dimensions communes entre les deux usages, alors que les flèches vertes sont utilisées pour les dimensions propres à l’usage multiple : le retraitement et la stérilisation. Pour naviguer parmi les dimensions, il suffit de cliquer sur l'une des flèches attribuées à chaque dimension.
Figure 8:Les dimensions de choix considérées, source [auteurs]
Exemple : Stérilisation
En cliquant sur la flèche verte associée à la stérilisation, l’interface affichée présente les deux impacts pris en considération pour bien mener le choix : l’impact économique et l’impact environnemental.
Figure 9:Exemple de la dimension "stérilisation", source [auteurs]
Pour chaque type d’impact, un plan d’action est mis en œuvre pour donner à l’utilisateur une idée sur les informations à collecter : calcul des coûts, quantification de la consommation en termes d’énergie et de produits détergents et, mesures des émissions carbones… pour faire le choix convenable entre l’usage unique et l’usage multiple (Figure 9).
Cette cartographie permet de s’imprégner aisément des critères de choix entre les deux usages des dispositifs médicaux stériles.
2. Outil de comparaison des deux modalités de dispositifs médicaux stériles
Cet outil accompagnant le guide d’assistance au choix des DMS, se présente sous forme d’un fichier Excel. Il permet à partir des connaissances acquises au travers des études de cas précédentes de :
- Répertorier les données chiffrées de l’établissement et des deux types de dispositifs médicaux stériles ;
- Calculer automatiquement valeurs liées à l’utilisation de chaque type ;
- Comparer « par utilisation » les données quantitatives de deux DMS.
Un mode d’emploi (figure 10) se trouve sur le premier onglet de l’outil de comparaison pour rappeler à l’utilisateur les points essentiels pour la manipulation. Il présente également les références bibliographiques très importantes pour le bilan carbone de l’unité de stérilisation.
Afin de suivre l’auteur des comparaisons au sein du service, chaque onglet comporte un en-tête permettent d’y inscrire les éléments d’identification.
Figure 10 : Onglet "mode d'emploi", source [auteurs]
Cet outil de comparaison comporte trois onglets de données qui doivent être inscrites par l’utilisateur
- « Données du service » : Recueil de données propres au service dont fait partie l’utilisateur ;
- « Bilan carbone du service » : Trame facilitant la réalisation du bilan carbone du service de stérilisation ;
- « Données des DMS » : recueil des données des deux types de dispositifs médicaux stériles à comparer.
Les deux onglets « Données du service » (figure 11) et « Bilan carbone du service » (figure 12) sont communs à n’importe quels DMS comparés mais ils doivent néanmoins être mis à jour régulièrement. Or l’onglet « Données des DMS » (figure 13) dépend uniquement des deux DMS étudiés et demande un travail de recherche et d’agrégation pour permettre une comparaison intéressante.
L’onglet « Données du service » (Figure11) regroupe plusieurs données de mesures de coût ainsi que d’impact carbone selon trois secteurs principaux : le stockage, les coûts horaires ainsi que la gestion des déchets. Les unités sont précisées pour chaque item et doivent être respectées. En effet les calculs étant automatisés dans ce fichier les valeurs inscrites dans d’autres unités rendront des résultats erronés.
L’onglet « bilan carbone du service » (figure 12) permet à l’utilisateur d’y inscrire les mesures de consommation du service de stérilisation afin d’en tirer un bilan carbone. Ces mesures doivent être réalisées sur une période donnée puis entrées dans cet onglet (figure 12). Cependant, il est nécessaire de connaitre le nombre d’unité d’œuvre réalisée sur la même période afin d’obtenir un bilan carbone par unité d’œuvre (ou point S) pour l’appliquer à la stérilisation d’un dispositif médical stérile réutilisable dans le service.
Figure 11 : Onglet " données de service", source [auteurs]
Figure 12 : Onglet " bilan carbone du service ", source [auteurs]
L’onglet « Données des DMS » (Figure 13), en lien direct avec le guide présenté dans la partie précédente, agrège l’ensemble du travail réalisé pour accéder aux données de deux DMS après la fabrication et au moment de l’achat et pendant le transport, le stockage, le retraitement dont la stérilisation et la gestion des déchets.
Remarque : Ces données ne sont pas toujours accessibles pour tous les DMS et peuvent être plus ou moins fiables. La comparaison des deux DMS ne sera pertinente que par le fruit d’un travail minutieux de recueil de données.
Figure 13 : Onglet "Données de DMS", source [auteurs]
Les deux derniers onglets de l’outil sont « comparaison » et « graphes », ce sont les bilans de la comparaison, ils affichent les résultats issus des calculs automatiques du fichier Excel (Figure 14). Ces calculs automatiques sont en lien avec les études présentées dans le chapitre 2. Ils permettent simplement de ramener les données de coût et d’impact environnemental « par utilisation », ainsi les deux types de dispositifs médicaux stériles deviennent comparables.
Figure 14 : Onglets "comparaison" et "graphes », source [auteurs]
Pour conclure sur l’outil numérique de comparaison des DMS, il est important de noter qu’il correspond aux éléments pris en compte dans les études actuelles comparant les DMS à usage unique face au DMS à usage multiple. Il aspire à être amélioré en y ajoutant d’autres dimensions à prendre en compte dans la comparaison mais également d’autres méthodes de calculs plus pertinentes pour l’obtention des bilans carbone et économiques des DMS. Il permettra néanmoins de proposer une approche quantitative au choix des DMS de façon généralisée, quelque chose qui n’existe pas encore.
Conclusion
Les pharmaciens hospitaliers doivent intégrer des éléments afférents au développement durable dans la stratégie d’achat des dispositifs médicaux stériles, étant une filière d’impact environnemental et économique remarquable. L’objectif est donc de faire un achat économique efficace et écologiquement soutenable. Pour cela, ils sont amenés à décliner l’achat éco responsable dans leurs démarches en se référant à des critères permettant de favoriser la modalité du dispositif médical stérile ayant un impact moindre sur l’environnement avec un prix meilleur.
Avec ce mémoire d’intelligence méthodologique et l’ensemble des outils mis en place, les établissements de santé et notamment les pharmaciens ont à leur disposition un ensemble de critères et de dimensions à considérer pour choisir entre l’usage unique et l’usage multiple. Aussi, par le biais de l’outil Excel, le pharmacien peut désormais inscrire les valeurs économiques et écologiques relatives à un type de dispositif, évaluer son impact sur les deux niveaux et donc aboutir au choix pertinent pour son établissement.
Certains points ont pu être améliorés et d’autres nécessitent encore plus de travail notamment en ce qui concerne l’analyse de cycle de vie. Aussi, il est nécessaire d’avoir plus d’avis des pharmaciens sur l’utilisation des outils.